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RECITS DE MES VOYAGES EN ASIE DEPUIS 2002
23 juillet 2015

ANNEE 2005: THAILANDE - MYANMAR - CAMBODGE - THAILANDE

 ANNEE  2005

                                                             Thaïlande - Myanmar (Birmanie) - Cambodge - Thaïlande

 

THAÏLANDE 

 

Départ avec Sylvie.

Neuf mois d’attente, le temps de préparer mon prochain départ. Neuf mois pendant lesquels mon cœur ne cesse de balancer entre la Malaisie, l’Indonésie et le Myanmar. Au mois de septembre ma décision est enfin prise. Je partirai pour la Thaïlande, m’envolerai pour le Myanmar et poursuivrai sur le Cambodge. Au mois de novembre, Sylvie, une collègue du service commercial de Gaz de France me présente un projet de voyage pour un séjour en Thaïlande, un circuit très bien organisé qui permet de découvrir toutes les facettes du pays: les îles du sud, la Thaïlande profonde, Bangkok et ses environs riches en originalités. Libre du choix de la période de son éventuel séjour, je la persuade de partir début avril avec moi et lui propose de lui faire visiter en dix huit jours tous les incontournables du pays du sourire avec un budget de moitié par rapport à la proposition qui lui a été faite par l’agence de voyage qu’elle avait contacté. C’est alors décidé, Sylvie partira avec moi et restera dix huit jours en Thaïlande puis rentrera en France. Quant à moi je poursuivrai sur Yangon, le nord de la Birmanie et sur le Cambodge que j’avais tant aimé en 2001.

Mardi 5 avril, Francis et Riri fidèles comme chaque année se chargent de m’accompagner à l’aéroport Nice côte d’azur où m’attend Sylvie. Le vol de la Swiss Air décollera à 17 h 45, nous arriverons à Zurich à 19 h 05. Après deux heures et demie de transit, le vol pour Bangkok décollera à 22 h 20, nous serons à Bangkok le 6 avril à 14 h 05 à l’aéroport de Don Muang.

Quelques jours à Bangkok.

Rien n’a changé à Bangkok, les formalités d’entrée sont toujours aussi faciles et le change est toujours le même: 1 euro = 47 bahts. Nous sautons dans le bus A2 qui nous dépose près de Kao San Road, à proximité du port fluvial That Atrit, là, nous empruntons le bateau bus qui remonte la rivière Chao Phraya et nous nous arrêtons au port de That Thewet. Quelques centaines de mètres à pied et sac au dos, nous nous retrouvons à Taewez Guesthouse où tout le personnel qui me connaît bien maintenant nous accueille chaleureusement. Sylvie découvre l’établissement dans lequel nous reviendrons souvent: l’accueil, la salle de restaurant, le coin communication et Internet et le bâtiment annexe où se trouvent les logements. Nous prenons tout notre temps pour nous installer et avant d’aller dîner je fais découvrir le quartier Thewet à Sylvie: le grand marché, la librairie nationale, la boutique du photographe, les échoppes, les restaurants locaux et les “seven-eleven” ouverts jour et nuit. Demain nous partirons pour la découverte du centre historique de la ville.  (....cette année je vous épargnerai le descriptif, les détails et l’historique de tous les sites et bâtiments que nous allons visiter pendant ces dix huit jours. Si vous voulez en savoir plus, il vous suffit de faire un retour en arrière sur mon récit de 2002, mon premier voyage en Thaïlande, Laos, Cambodge...) Milk shake, assiette de fruits frais, omelette, après ce petit déjeuner copieux, c’est parti pour le cœur de Bangkok. Nous descendons la rivière Chao Phraya jusqu’au port de That Chang et sommes prêts pour faire des kilomètres à pied dans la capitale. Première merveille, le temple Wat Phra Kaeo. Sylvie est émerveillée par une telle splendeur. Nous poursuivons jusqu’au Wat Pho, le repère du Bouddha couché et de l’école de massages. Pour nous rendre sur l’autre rive nous empruntons le bac à That Thien et nous voici au pied du majestueux Wat Arun (temple de l’aube). Il est maintenant temps de grignoter, et nous choisissons une cantine de trottoir près du Wat Maharaj. Sylvie commence à apprécier les premières saveurs thaïlandaises. Il fait très chaud en cette saison à Bangkok, pour éviter des kilomètres inutiles nous prenons un bus local jusqu’à Democraty monument puis grimpons sur la montagne d’or où se trouve le temple Wat Sri Sakhet. La journée bien remplie, il nous faut alors regagner Taewez, et nous relaxer avant de partir dîner sur Thanon Luk Luang, porc au caramel, légumes variés, riz blanc et puis il est temps d’aller dormir.

Aujourd’hui nous consacrerons la matinée au quartier chinois et partirons en fin d’après midi à l’est de Bangkok chez mon copain Alain. Chinatown n’a rien perdu de ses senteurs et de son vacarme. Après plus de deux heures dans les kyrielles de minuscules ruelles nous revoici au grand jour, aux abords du temple du Bouddha d’or à proximité de l’hôpital chinois. Nous nous approchons de Hua Lampong pour y prendre le bus 99 qui dessert Bangkapi. Je n’arrive plus à me repérer pour aller chez Alain. Pour ne pas tourner en rond et gaspiller de l’énergie j’appelle deux moto-taxis et en dix minutes nous voilà à l’entrée du grand stade Hua Mark. A partir d’ici je sais comment faire. Voila le Soï 7/11 de mooban seri. Alain est dans son jardin, il nous accueille chaleureusement. Je lui présente Sylvie et nous passons à l’apéro, un long apéro suivi d’un long repas. Et quel repas ! A deux heures du matin un taxi nous prend en charge et nous conduit à notre guesthouse.

Samedi 9 avril, une journée calme car demain nous prendrons le train pour aller à l’ouest de la Thaïlande à Kanchanaburi. Grasse matinée et petit déjeuner copieux puis nous partons à pied pour le parc Dusit situé à deux kilomètres de Taewez. Bien au vert et bien à l’ombre nous assistons à un spectacle de danses classiques thaï, nous nous relaxons dans le jardin tropical, visitons quelques musées et rentrons pour faire un peu de courrier et acheter des bricoles pour demain.

Départ pour Kanchanaburi - Nakhon Phathon et Damoens Saduak.

Aujourd’hui nous quittons la capitale pour nous enfoncer dans l’ouest Thaïlandais. Nous disposons de quatre jours et c’est bien suffisant pour couvrir ce circuit. Nous nous installons au bord de la rivière Kwaï dans la jungle de “C and C guesthouse”. Sylvie choisit un bungalow au fond de la propriété loin de la rivière, quant à moi je préfère passer mes nuits au fil de l’eau dans une chambre en bambous flottante amarrée à la rive. Le lendemain nous louons deux vélos pour nous rendre au pont de la rivière Kwaï. A la station ferroviaire nous prenons le petit train pour Thamkrasee et Namtok, l’ultime gare avant la frontière birmane et au retour nous allons visiter le JEEATH museum et le cimetière des alliés. Pour notre deuxième journée à Kanchanaburi nous louons une moto car le temple des tigres est loin, dans une zone aride et austère. Nous sommes accompagnés par des moines bouddhistes et nous pénétrons dans la cage aux fauves pour donner la tétée aux lionceaux. Sylvie ne brille pas, moi non plus ! Le petit tigre pèse autant que moi mais il est très attachant, sa maman est constamment surveillée par le bonze. C’est vraiment impressionnant ! Retour à “C and C” pour déguster un tom yam kung très épicé et nous reposer au clair de lune avant un dodo bien mérité. Demain nous passerons la nuit à Damoens Saduak, le plus grand marché flottant de Thaïlande. Nous faisons escale à Nakhon Phathon haut lieu du bouddhisme où se trouve le plus grand Chedi du monde après celui de Boodnath à Katmandou. Le bus N° 301 de Nakhon Phathon pour Damoens Saduak part à 11 heures et nous arrivons à 13 heures à “Little Bird Hotel” à proximité de l’embarcadère pour le marché flottant. C’est jeudi, très tôt ce matin nous louons une pirogue pour une longue balade sur les khlongs et partons assister au marché flottant, nous déjeunons sur place dans une atmosphère très colorée et pleine de vie.C’est le bus N° 78 qui nous reconduira à Bangkok. Nous resterons une journée à Bangkok car j’ai quelques formalités à accomplir pour obtenir un visa pour le Cambodge où je me rendrais après mon séjour en Birmanie. Sylvie profite de cette journée détente pour surfer sur le net. Nous enfourchons ensuite le bus N°99 pour aller au quartier Pathunam pour y faire du shopping au Pantip Plaza. Petit détour par les quartiers chics de Bangkok et nous allons à la station Nana où je connais une excellente boutique à souvenirs. Avant de regagner Taewez nous partons dîner au port de That Chang, ici les plats de spécialités locales sont innombrables. Demain nous irons à Ayutthaya.

Ayutthaya.                                                                                                                                  

Samedi 16 avril, c’est le départ pour Ayutthaya avec le train local depuis la gare centrale Hua Lampong. Il part à 8 heures et après une heure et demie de trajet nous voilà à Ayutthaya. Nous trouvons une guesthouse très bien située, les patrons de l’établissement sont à la fois ravis et surpris de notre visite parce quelle vient d’ouvrir aujourd’hui même. Nous sommes bel et bien les premiers clients de l’établissement. Nous disposons de suffisamment de temps cet après midi pour aller au Krawl aux éléphants et visiter le site archéologique. Nous dînons au night market et rentrons dans nos chambres qui sentent encore la peinture fraîche. Pour parcourir Ayutthaya le meilleur moyen est le vélo, nous pédalons sous la chaleur pour atteindre le Wat Chaiyamongkhon et le Wat Phranan Choeng à quatre kilomètres au sud-est de la ville. Nous passons par le marché pour acheter le livre d’or que nous remettrons à la patronne de la guesthouse et qui servira pour ses prochains clients. Nous récupérons nos sacs et regagnons la gare pour retourner passer une dernière nuit à Bangkok avant de partir pour l’île de Koh Chang toute proche du Cambodge.

Koh Chang.

Pas de répit, après une bonne nuit nous allons prendre le bus au terminal est de Bangkok, le bus N° 2  nous emmènera à Trat, à 320 kilomètres de la capitale. A Trat je connais bien la gérante de “HP guesthouse”, adresse: près du marché de nuit, téléphone: 039 512 270 ou 018150122. Nous obtenons des informations sur les départs des bateaux pour l’île de Koh Chang sur laquelle nous accosterons demain matin. Le bateau part à 10 heures du port de Leam Ngop à 16 kilomètres de Trat. C’est un taxi collectif qui nous y emmène et la traversée durera deux heures. Arrivés au nord de l’île un autre taxi collectif nous embarque, je demande au chauffeur de nous déposer à Khlong Phrao beach car ici on trouve des motos en location. Nous louons une moto pour notre petit séjour et partons nous installer dans des bungalows de bambous au sud de l’île, un endroit paradisiaque au confort modeste. La moto nous permet de nous rendre au village de pêcheurs de Ban Bao où nous dînons sur les pilotis d’un excellent sea food restaurant. Les deux derniers jours sur l’île nous les consacrons à la baignade, à la visite des cascades, des fermes à éléphants et à nous régaler autour de bonnes tables.

Samedi 23 avril, pour regagner Bangkok nous passons la journée de bateau en songthaew, de songthaew en bus et de bus en taxi. Sylvie quittera la Thaïlande demain dimanche 24 avril à minuit. Nous profitons de la dernière journée pour aller au marché du week end à Mochit et à Kao San Road pour les dernières emplettes. A Kao San je n’oublie pas de récupérer mon visa pour le Cambodge. L’avion de Sylvie quitte Bangkok à 0 h 15. Il ne me reste plus qu'une journée pour flâner dans la ville car demain je m’envolerai pour Yangon.

 

 LE MYANMAR  ( Birmanie )

 

Mercredi 27 avril, je quitte Taewez guesthouse à 12 heures car mon vol pour Yangon décolle à 15 h. Le vol Bangkok / Yangon dure 1 heure 30. L’aéroport de Yangon se situe à 18 kilomètres au nord de la ville. Contrairement à mes préjugés les formalités à accomplir sont très simples lorsqu’on est en possession d’un visa d’entrée. Il y a seulement un an, tous les étrangers devaient changer leurs dollars en FEC (foreign echange currencies) sortes de coupons de même valeur que le dollar mais uniquement négociable dans les établissements d’état (hôtels, gares, grands magasins...). Je sors de l’aéroport et trouve un birman qui pratique l’échange d’argent au noir, nous partons nous cacher derrière la façade nord de l’aéroport et procédons au change. Pour 100 dollars j’obtiens 90 000 kyats, en passant par une banque je n’aurai obtenu que 75 000 kyats. La différence me permettra de vivre une semaine de plus dans le pays, ce n’est pas négligeable. Le calcul est vite fait, je vais pouvoir vivre vingt huit jours au Myanmar avec 300 dollars. Me voilà donc dans le pays le plus secret et le plus étonnant d’Asie du sud-est, un pays qui n’a pas bougé depuis des siècles. J’attends près d’une heure pour trouver enfin un bus bondé et demande à être déposé au centre de la ville près de la pagode Sule. D’ici, il est facile de s’orienter même avec le plan sommaire de mon Lonely Planet. Le temps de parcourir à pied le quartier pour trouver une guesthouse, tout me paraît mystérieux, je me rends compte qu’ici il n’y a aucune similitude avec la Thaïlande, l’Inde, le Cambodge ou le Laos, c’est complètement un autre monde. Mes premières impressions vont vers l’émerveillement, face à une nation originale où l’hospitalité est sans défaut, où les couleurs sont belles et la gentillesse des gens extrême. Je ne sais pas encore ce que je vais trouver dans le Myanmar profond mais tout me laisse présager que je vais vivre des moments inoubliables qui pèseront lourd dans ma mémoire et dans mon cœur. Ce pays à peine plus grand que la France compte trois districts interdits au tourisme. Vingt huit jours suffisent pour faire le tour du Myanmar, le temps d’un visa pour traîner dans la capitale Yangon, descendre au sud dans l’état Karen, remonter vers les sites incontournables de Mandalay, Bagan et terminer plus à l’est sur le lac Inle dans l’état Shan proche de la frontière chinoise et laotienne.

Le Myanmar est dirigé par la junte, il s’ouvre à peine au tourisme, il est très pauvre et soumis à la répression permanente des généraux. Malheureusement les droits de l’homme y sont bafoués quotidiennement. Le contraste est saisissant entre la magie du pays et le régime dictatorial. (45 % du budget du pays va à l’armée). Douceur de vie exceptionnelle et rythme de vie très lent, il va falloir que je m’adapte. Myanmar signifie “les premiers habitants du monde”, la junte a choisi ce nom en 1989 afin de couper les liens avec le passé colonial de l’union birmane. Le pays compte 45 millions d’habitants, il s’étale sur 670000 km2, la capitale Yangon ou Rangoon compte quatre millions d’âmes. Le chef de l’état est le général Than Shwe depuis 1992. La religion officielle du pays est le bouddhisme théravada. L’espérance de vie au Myanmar est de 57 ans.

Yangon (ou Rangoon).

Me voilà installé à “Polo guesthouse” dans une rue perpendiculaire à Anawrahta road, proche de la pagode Sule, de la gare ferroviaire et de Mahabandoola road une artère pleine de vie. Cet après midi il fait particulièrement chaud et je dispose de beaucoup de temps pour aller découvrir le quartier et contempler ce mélange hétéroclite d’édifices coloniaux, de stupas bouddhiques, de temples hindous, d’églises et de mosquées. Yangon est une ville étonnante, contrairement aux autres capitales asiatiques que je connais, elle abonde d’espaces ombragés, d’arbres et de parcs envahis de végétation. Rien à voir avec la frénésie de Bangkok, mais aux heures d’affluence aux carrefours du centre ville s’enchevêtrent, voitures, bus, rickshaws, taxis, bicyclettes et piétons. A ces heures de pointe le concert de klaxons résonne en permanence à tel point que des panneaux spéciaux en interdisent l’usage. Mais personne ne se soucie de la signalisation, ni du bruit. Pour me déplacer en ville j’évite d’emprunter les taxis qui n’en font qu’à leur guise et dont les compteurs ne sont pas en état de fonctionnement. Les séances de négociation sur les prix sont parfois très longues pour obtenir un tarif raisonnable. Les bus urbains sont très bon marché mais il n’est pas facile de les utiliser car leur numéro et leur destination sont écrit en caractères birmans. La meilleure solution est d’emprunter les camionnettes bleues appelées mini-camionnettes-taxis qui pratiquent des prix fixes: 120 kyats pour une course à l’intérieur de la ville et 200 kyats (0,30 euro) pour une longue course.

Yangon est une ville très sure, il n’y a aucun risque à s’y balader de jour comme de nuit, pas d’agressions et pas de vols. La dictature et la répression policière contribuent certainement à cette situation favorable aux routards. En dehors des heures de pointe Yangon semble endormie. L’architecture est anarchique et tristounette, seuls les quartiers nord sont agréables et verdoyants, les lacs y sont nombreux surtout dans le quartier Golden Valley où l’on se sent à la campagne dans une épaisse végétation tropicale parsemée de superbes maisons de teck. En rentrant à Polo guesthouse sur les trottoirs d’Anawrahta street se succèdent des ribambelles de petites cuisines ambulantes, des éventaires de nourritures diverses et des marchands de pacotilles. La nuit tombe vite à Yangon et l’animation aussi, je m’apprête à aller dîner et me rends dans un restaurant Shan, le restaurant “Noodle 9999.....”, une petite gargote Shan bondée de birmans. Je choisis de manger une soupe de nouilles, l’aubergiste me demande de choisir entre les nouilles de blé, les nouilles de riz et les nouilles de soja. Celles au riz servies avec des petits carrés de tofu frit sont exquises. Le chiffre 9 porte bonheur au Myanmar voilà pourquoi le restaurant s’appelle noodles 9999...   Demain programme chargé !

Je n’ai pas pleinement profité de ma nuit tellement Polo guesthouse est bruyante, je changerai certainement d’auberge lors de mon prochain passage à Yangon. La pagode Sule au cœur de la ville est agréable à visiter, ici, on échappe au vacarme de la ville et l’on peut chiner dans les nombreuses boutiques qui l’entourent. Alors que j’effectue pour la deuxième fois le tour du stupa de la pagode j’aperçois un colossal européen qui visite le site accompagné d’un moine qui lui explique la gestuelle et le cérémonial religieux à accomplir sur les lieux saints ou sacrés. Je ne les quitte pas des yeux et tente de comprendre quelque chose, on ne sait jamais ! Je pourrais éventuellement avoir besoin de ces enseignements. Le phénomène européen est un anglais de 21 ans de 158 kilos, un “sumo” à la peau de bébé rose. Il parle le mauvais anglais de Liverpool dont je ne comprends que la moitié. Il s’appelle Kriss, c’est le portrait craché de Rooney le footballeur anglais. Kriss vit dans une charmante guesthouse à quelques pas de la pagode Sule, je m’empresse de lui demander l’adresse de celle-ci car à mon prochain retour sur Yangon je m’y présenterai: Okinawa guesthouse : N° (64) 32 nd street.  Pabedan Tsp - Yangon Téléphone: 374318. Kriss a choisi de visiter le Myanmar car son grand père a vécu dans le nord birman lors de la colonisation de la Birmanie par les anglais. Il compte se rendre à Bagan, Mandalay, Nyaungshwe et surtout à Kalaw dans l’état Shan où habitait son pépé. Kriss est un être qui adore plaisanter, il a toujours le sourire et il n’est pas complexé malgré sa morphologie hors du commun. Nous nous saluons, échangeons nos adresses E-mail. Kriss partira demain vers le nord, quant à moi il me reste une journée à passer à Yangon avant de partir vers le sud, sur Bago, Malawmyine et Kyaik Ti Yo. Il est temps de poursuivre la visite de la ville, deux kilomètres me séparent du temple de Kali, un temple hindou exceptionnel dédié à la princesse Kali, reine de la guerre. Ses adorateurs fanatiques tuèrent des centaines d’opposants lors de l’indépendance indienne. Avant de filmer et de prendre des photos je suis obligé de demander la permission à un vieux gourou. En face le temple se trouve le marché indien Thein Gyi Zei, un marché incroyablement animé à dominante Bangladeshi donc musulmane. On y trouve que de la viande de bœuf et des copies de parfums français. Ici l’atmosphère est désuète mais on s’y sent bien car la bonne humeur est de partout. Demain je me rendrai au joyau de Yangon, “la pagode Shwedagon”, mais pour l’heure je pénètre dans un restaurant de quartier tout en bois, recouvert de tôles ondulées, c’est le Aung Thu Kha, un restaurant typiquement birman où je mange au coude à coude avec employés, militaires et gens du quartier. Personne ne parle l’anglais, je me réfère donc aux assiettes déjà servies aux clients. Je me régale avec un curry bien relevé et quelques samousas.

La pagode Shwedagon.

« .........au milieu trône cette pyramide d’or en forme de cloche à long manche qui se voit de loin, sa pointe brille comme du feu et sa base qui s’élargit pour faire un cône immense ressemble à une colline toute en or.  De l’or partout, auprès et au loin de l’or se détache sur l’or....... »  Paroles de Pierre Loti.

Me voici devant la merveilleuse pagode Shwedagon, la fierté de la ville, la plus belle pagode du monde, la plus imposante, la plus grandiose. Tôt le matin les pèlerins s’y rendent et commencent leurs dévotions. Shwedagon est le centre de la vie sociale et religieuse de la ville. La pagode est belle de jour comme de nuit. Aujourd’hui de nombreuses familles y sont venues pour pique-niquer. La pagode Shwedagon est située sur une colline, j’y accède par un immense escalier. Comme au Tibet ou au Laddakh il faut contourner le stupa dans les sens des aiguilles d’une montre. Le stupa central ressemble à une gigantesque cloche renversée qui mesure cent mètres de haut, il est recouvert de 700 kilos de feuilles d’or. L’ambiance à Shwedagon est bon enfant et l’atmosphère est apaisante. Premier choc visuel ! Mon regard est comme magnétisé, c’est une symphonie d’or et de couleurs. Le stupa central est entouré de petites pagodes, de temples, de clochetons et d’oratoires. C’est une véritable forêt de récifs, de pics et d’arêtes décorées de fleurs de lotus et de bourgeons de bananiers. C’est absolument fascinant ! De partout des statues, des pavillons, des cloches dont celle de Singu haute de 22 mètres et qui pèse 16 tonnes, des coins prière pour exaucer ses vœux, l’empreinte du pied de Bouddha, des oratoires, des ogres verts, des personnages vénérés, l’arbre sacré de Bouddha.......... J’attends maintenant la tombée du jour, le moment magique où la pagode s’illumine. Je m’installe sur les marches du petit autel de Shinsawbu et m’allume un énorme cheerot (cigare birman). L’histoire de la pagode remonte à la nuit des temps, il y a 2500 ans deux marchands offrirent à Bouddha des gâteaux de miel après qu’ils eurent médité pendant 49 jours sous le banian. Pour les remercier, Bouddha leur donna huit cheveux. Les marchands remirent les cheveux à leur roi qui fit aussitôt construire le stupa pour les conserver. Un terrible tremblement de terre détruisit le stupa, sa forme définitive actuelle date de 1768. D’autres épreuves frappèrent à nouveau la pagode, un incendie en 1931, un autre tremblement de terre en 1970, le meurtre de plusieurs ministres coréens et de grandes manifestations de masse, la plus récente en 1988. Il me faut laisser de coté cet endroit magique et regagner “Polo guesthouse“. J’y retournerai sûrement avant de quitter le Myanmar après mon périple dans le nord. C’est mon dernier jour à Yangon, j’appelle une camionnette-taxi afin qu’elle me transporte au lac royal, le lac de Kanbawgyi, un très agréable lieu de promenade autour duquel se trouvent toutes les ambassades et les grands hôtels. L’hôtel Karaweik (en sanscrit: garuda, oiseau monture du dieu Vishnou du panthéon Hindou), est la reproduction d’une gigantesque barge royale s’avançant dans les eaux. Le soir au Karaweik on peut assister à des spectacles de danses traditionnelles. Je redescends au centre ville en traversant le « people’s park », le parc favori des amoureux, son entrée est payante. Et oui ! Se promener main dans la main n’a pas de prix. Je suis tout près de la gare ferroviaire et en profite pour obtenir des renseignements pour mes futurs déplacements. Il y a deux sortes de trains, les gouvernementaux aussi lents qu’inconfortables sans électricité et les “privés” qui possèdent des “ uppers classes” (classes supérieures) avec ventilateurs et sièges rembourrés de crin. Dans ceux-ci il y a l’électricité mais c’est un inconvénient car elle reste allumée toute la nuit et bonjour les moustiques! La solution des trains privés est un bon compromis si l’on a beaucoup de kilomètres à parcourir, si non il y a la solution d’aller de ville en ville avec les bus, même s’ils sont lents et inconfortables. En bus on traverse des paysages superbes et on croise la population locale. Pour prendre le bus il faut procéder par réservation au moins un jour avant le départ. Quelle chance ! Il reste quelques places pour demain pour me rendre à Bago.

Bago (ou Pegu).

Bago (anciennement Pegu) se trouve à 80 kilomètres de Yangon, deux heures et demi de trajet sont nécessaires pour s’y rendre. Bago est une escale obligée pour aller à Kyaik Ti Yo et Malawmyine. Je traverse un défilé de rizières et après cette platitude interminable j’aperçois au loin la silhouette d’un stupa géant et doré, c’est la pagode Kyaik Pun construite en 1476 par le roi Dhammazedi. La pagode consiste en quatre énormes Bouddhas en briques de vingt mètres de haut édifiés dos à dos regardant les quatre points cardinaux. Le monastère de Bago est l’un des plus grands du pays, ici les moines viennent y passer leurs examens. Pour y accéder je traverse un pont métallique et le marché. Il est 11 heures le moment intéressant du déjeuner, les bonzes sont rangés à la queue leu leu, ils attendent le gong et avancent en silence vers le réfectoire, ils se groupent par tables de six et déjeunent sans un mot. Le vénérable mange seul dans son coin. J’ai encore le temps d’aller voir le célèbre Bouddha couché de 55 mètres de long et 15 mètres de haut, il fut abandonné pendant cinq siècles et disparut sous la terre et la végétation dense de la jungle. Il fut retrouvé par hasard à la fin du XIX eme siècle par un ingénieur qui effectuait des sondages pour la construction du chemin de fer. Le regard tourné vers le sud il est en position de relaxation totale.

Kyaik Ti Yo.

Il faut que j’arrive à Kyaik Ti Yo avant la nuit, je grimpe donc dans une camionnette surchargée et après cinq heures de route elle me dépose au camp de base “Kinpun kamp”. Il est très tard, “Seasar guesthouse” est déjà fermée. Malheureusement c’est la seule guesthouse à Kinpun Kamp. Alors le chauffeur de la camionnette me propose un asile dans la grange d’une propriété sur des nattes d’osier. Heureusement que j’ai avec moi mon sac à viande pour me protéger des moustiques. Je n’ai pu dormir que trois heures, aussi je suis debout à cinq heures du matin. C’est la bonne heure pour assister au défilé des bonzes en file indienne du plus petit au plus grand en route pour faire l’aumône (seulement de la nourriture). Dés 6 heures, des centaines de birmans attendent le départ des premières camionnettes, il en part une toute les trente minutes. Je me place dans la file d’attente et avance centimètre par centimètre pour embarquer. Nous sommes une trentaine entassés dans la camionnette à ciel ouvert, assis sur des planches bancales. La route est longue et serpente pendant 30 kilomètres pour arriver à 1000 mètres d’altitude à Kyaik Ti Yo. Kyaik Ti Yo est le site du “rocher d’or”, il est très difficile d’accès mais tous les birmans s’y sont rendus au moins une fois dans leur vie. Il est une des “7 merveilles du monde birman”. Pour l’atteindre j’emprunte un long sentier en lacet sous 39°C. Une heure de marche lente avec de nombreux arrêts avant d’arriver sur l’esplanade du site. Je croise des gens merveilleux, hommes, femmes et enfants qui réalisent leur premier pèlerinage.   Très impressionnant ! Au fur et à mesure que j’avance je peux apprécier la masse de ce roc sphérique jaune or qui grossit de plus en plus. M’y voici, le “rocher d’or” comme son nom l’indique est un énorme rocher rond de six mètres de diamètre entièrement recouvert de feuilles d’or. Il se maintient en équilibre au bord d’un précipice à mille mètres et il est posé sur une base de un mètre carré. Pour les birmans c’est un des sites les plus sacrés du bouddhisme avec la pagode Shwedagon à Yangon. La légende dit  “.....que trois hommes suffiraient pour faire basculer le rocher sacré, mais il nepeut pas tomber car un cheveu ayant appartenu à Bouddha le maintiendrait et l’empêcherait de basculer......”  Les personnes âgées et les malades peuvent monter en palanquin de Kyaik Ti Yo jusqu’à l’esplanade du rocher. Le prix de la montée est fonction du poids du client à transporter. Les étrangers doivent s’acquitter d’un droit d’entrée de six dollars et de deux dollars supplémentaires pour pouvoir utiliser le caméscope. Il règne une atmosphère de piété profonde tout autour des boutiques à offrandes et des oratoires. Seuls les hommes peuvent prétendre à descendre auprès du roc pour le recouvrir de feuilles d’or, en contre partie ça leur donne des bons points pour leur prochaine vie et ils s’attirent ainsi l’indulgence et la gentillesse des nats (esprits). Les femmes restent en haut, elles passent leur temps à verser des timbales d’eau sur la tête des sept mini bouddhas symbolisant les jours de la semaine. Elles versent autant de timbales d’eau que le nombre d’années de leur vie. Il est grand temps de descendre et de me faire reconduire à Kinpun Kamp où j’ai réservé deux nuits à “Seasar guesthouse”. Je m’accorde une journée de repos pour flâner à Kinpun Kamp et demain je partirai pour Malawmyine encore plus au sud. Il fait extrêmement chaud, mais beaucoup de birmans préfèrent vivre ici plutôt qu’à l’ouest du pays où il fait actuellement 42°C. Je profite de cette journée relax pour faire du courrier et mettre à jour mes notes. En Birmanie il n’est pas facile de communiquer avec le reste du monde, les boutiques Internet ne sont pas nombreuses et bien souvent les messages sortants sont contrôlés et même interdits. Mais comme je ne communique pas en anglais vers la France, il est difficile pour un birman de déchiffrer notre bonne langue. Une autre solution consiste à communiquer depuis l’ordinateur privé d’un commerçant en utilisant son adresse électronique. Mes dernières nouvelles destinées à Yannis datent de mon arrivée à Yangon. Deux jours dans le coin c’est suffisant et déjà les villageois me connaissent. Ils connaissent tout de moi, ils savent où je loge, où je déjeune, où je vais, ce que je fais, où je dîne. Les commerçants de la seule rue principale de Kinpun Kamp m’interpellent à chaque fois que je passe et repasse. C’est sympa ! J’ai l’impression d’être une grande personnalité. Je suis persuadé que je me ferai beaucoup d’amis si je devais passer de nombreux jours ici. J’ai largement le temps d’aller me renseigner sur les départs de demain pour Malawmyine, d’aller dîner au restaurant Seasar, du même nom que ma guesthouse. Je préfère les nouilles sautées au poulet plutôt que les testicules de chevreau qui me sont proposées. J’ai maintenant besoin de repos et de bien dormir. A Seasar pas de problème car ce bâtiment possède une grande cour très calme et de plus je suis le seul client de l’établissement.

Malawmyine (ou Moulmein).

Malawmyine (ou Moulmein) est implantée dans un environnement exceptionnel, un des plus beau du Myanmar. Entourée de collines envahies par la végétation tropicale la ville s’étale le long d’un large fleuve venu du Tibet, le Salouen, qui se jette dans la mer d’Andaman. Malawmyine est la capitale de l’état Môn, elle n’est ouverte aux touristes que depuis 1948. Cette ville est une perle de l’orient, ici j’ai l’impression de remonter le temps. A mon arrivée je m’installe à “Breeze guesthouse” au bord de la rivière Salouen, un agréable hôtel à la façade peinte en blanc et bleu ciel. Il fait  chaud et ce n’est pas la grosse forme, aussi je n’ai pas le courage de sortir. J’en profite pour faire le point, écrire trois cartes postales et apprendre quelques mots courants de la langue birmane, les mots de tous les jours: bonjour c’est minglaba, merci c’est kyai zou tin ba, combien ça coûte c’est ba lau le......................... J’apprends aussi à compter jusqu’à cent. Au Myanmar les chiffres ont beaucoup d’importance. Il y a les chiffres porte-bonheur et les chiffres maléfiques. Le chiffre 9 par exemple est très bénéfique, il se prononce ko et ko veut dire “rechercher la protection des dieux”. Sur le plan du rituel religieux les offrandes se font par neuf, on dépose 9 cierges sur l’autel et non dix. Le chiffre 8 se prononce shi, il est reconnu dans le bouddhisme comme celui de l’équilibre cosmique (nombre de rayons de la roue de la loi bouddhique et de la rose des vents). Le 8 commence à devenir maléfique car la révolution populaire a eu lieu en 1988 et la répression s’est terminée par un bain de sang le 08/08/1988. Je vais profiter de cette séquence culturelle pour vous vendre quelques bons romans et récits de voyages au travers desquels vous pourrez vous plonger dans l’univers, l’histoire et la vie des birmans: “Une histoire birmane” de Georges Orwell,  “La vallée des rubis” de Joseph Kessel,  “La mort dans les yeux” de Pierre Dacourt,  “Terre d’or” de Norman Lewis,  “Les pagodes d’or” de Pierre Loti, “Railway bazar” de Paul Theroux,  “Un gentleman en Asie” de Somerset Maugham et “Mémoire de l’oubli” de Claude Shaulli, un très beau récit de voyage d’un amoureux du pays qu’il redécouvre après une longue absence. N’oubliez surtout pas “Demain la Birmanie” d’Aung San Suu Kyi. Je vous parlerai d’elle plus tard.  Il est temps de faire surface. Depuis l’embarcadère situé au nord de la ville j’embarque sur une pirogue pour aller sur la petite île du lavage des cheveux, “Shampoo Island”. Sur cette île les souverains avaient l’habitude de venir spécialement pour se laver les cheveux car l’eau tirée d’un puits est d’une extrême pureté. Les femmes considérées comme impures par le bouddhisme birman n’y ont pas accès. L’île se détacherait des flots sans reposer sur le fond. Pour l’instant elle n’a pas dérivée !  A mon arrivée je suis obligé de me déchausser pour poursuivre la visite pieds nus. L’îlot compte 70 stupas et un nombre important de statues dédiées à des divinités. Plus au nord de l’île il y a un superbe temple chinois qui abrite un bonhomme souriant et ventru. Ce dimanche soir je suis très fatigué et n’ai pas un gros appétit, je me rends cependant dans un petit restaurant sans prétention où la spécialité est le canard, au menu: braised duck, saltwater whole duck, crisp spiced duck, duck in brown sauce.... Il est 8 heures du matin, il fait déjà très chaud et je me suis levé du mauvais pied. Au programme de la journée j’ai prévu “l’île des géants“, île de Bilu Gyun où les habitants vivent dans une relative autarcie économique grâce à l’agriculture du riz, du tournesol et de l’hévéa. Du quartier Mupon je saute dans une pirogue à moteur pour me retrouver sur l’île vingt minutes plus tard. Je remonte lentement un canal boueux et évasé, je n’ai pas une grande forme mais il me faut traverser de nombreuses rizières pour parvenir au village de Ka-Hngaw, un village Môn où chacun cultive ses haricots et élève ses vaches et poulets pour assurer leur autosuffisance. Il y a cinq petits monastères pour mille moines et quelques familles Hindous. Les hommes blancs ne sont pas nombreux à mettre les pieds ici, grâce à un individu qui se prétend guide local et qui possède un vieux camion j’ai l’occasion d’aller visiter la fabrique d’ardoises scolaires et la fabrique d’élastiques en caoutchouc naturel. Douze personnes travaillent le latex provenant de l’hévéa à partir de grandes crêpes de caoutchouc naturel (le même caoutchouc qui sert à fabriquer les préservatifs et les pneus d’avion). L’atelier sent l’ammoniaque à en pleurer, je quitte donc les lieux rapidement. De retour sur la terre ferme je fonce sous la douche puis me rends près du marché, au “Peking” pour y manger chinois. Il est 20 heures je suis fondu, c’est déjà nuit noire et j’ai hâte de rentrer me coucher.

Win Sein.

Aujourd’hui je ne sais pas si je vais avoir la force de poursuivre mon programme tellement je suis hors de forces. Il n’est pas dans ma nature de rester enfermé et décide donc d’aller à Mudon, car je ne veux pas quitter Malawmyine sans aller voir la construction du plus gigantesque Bouddha couché du monde, le “Bouddha Win Sein”. En hauteur il atteint la taille d’un immeuble parisien et il mesure 200 mètres de long. Son œil unique en acier mesure sept mètres de diamètre. Ce chantier n’est pas totalement terminé, il durera encore des années. C’est au vénérable moine ascétique Bhaddanta Kesara que l’on doit cette œuvre qui défigure les belles montagnes environnantes.  Je ne prendrai pas le train pour Yangon aujourd’hui car je frise les 40 de fièvre. Je suis littéralement terrassé, si bien que le patron de la guesthouse m’embarque dans sa Toyota pour me conduire chez son copain sorcier. J’ai bien 39°5 de fièvre, le sorcier me remet un petit sachet en plastique rempli de poudre blanche que je dois diluer dans l’eau à raison de trois fois deux cuillères par jour. A peine arrivé à “Breeze guesthouse” j’avale mon premier verre et je remets ça quatre heures plus tard. Après cette over dose et trois douches froides ma fièvre commence à tomber. La poudre blanche a fait ses effets, il s'agit en réalité de paracétamol. Le personnel de la guesthouse me supplie de ne pas sortir et de ne pas manger jusqu’à demain matin. J’attends la tombée du jour au frais à la réception et me plonge dans un bouquin anglais concernant la cuisine birmane. La cuisine birmane est un mélange d’influences Bamar, Môn, Indienne et Chinoise. Le riz (htamin) est la base de tous les repas, il accompagne les plats au curry, le poisson, le poulet, les crevettes ou le mouton. Le bœuf et le porc sont rares, le bœuf dérange les Hindous et les Bouddhistes et le porc mécontente les musulmans et les esprits. Contrairement à l’Inde, les curry Bamars sont doux car il n’y a aucun piment dans leur préparation mais un masala de curcuma, gingembre, ail, sel, oignon et huile. Celui qui l’aime relevé utilise un condiment posé sur la table à base de tamarin et crevettes séchées, le tout broyé avec des piments très forts. Pour en savoir plus sur la cuisine birmane vous pouvez vous procurer cet ouvrage culinaire: “Cook and entertain the Burmese way”. Je cite: “....on entend dire parfois que les fromages et les plaisirs hermétiques qui en émanent, sont étrangement absents des cuisines d’Asie orientale. Pour faire du fromage il faut du lait et donc des troupeaux élevés avec amour; en revanche nos rivières qui s’épanouissent en immenses deltas et d’autres eaux, fourmillent de poissons de toutes sortes qui n’attendent que le filet du pêcheur. A côté des pêcheries, la longue côte birmane offre ses marais salants. De ce mariage résultent des nourritures au parfum délicieux.......” Un autre délice de la cuisine Bamar est le “Thouq”, une salade épicée à base de légumes ou de fruits crus mélangés à du jus de citron, d’oignons et de cacahuètes. La soupe aux lentilles “peh hin ye” est originaire d’Inde, on la sert rehaussée de navets, pommes de terre et d’okra. La soupe de nouilles est un mélange de nouilles au riz avec des morceaux de poulet trempé dans une sauce épicée à base de lait de coco. Pour terminer les repas les birmans mangent le “lahpeq thouq”, une salade de feuilles de thé vert humide mélangées à des graines de sésame, des petits pois frits, des crevettes séchées, de l’ail frit, des cacahuètes de la noix de coco et du gingembre pilé. A la maison, les birmans mangent assis sur des nattes de roseau autour d’une table ronde de trente centimètres de haut. Le repas est servi en une seule fois et l’on prend la nourriture avec les doigts. Au restaurant on dispose d’une fourchette et d’une cuillère. La fourchette se tient de la main gauche et l’on s’en sert pour pousser la nourriture dans la cuillère que l’on tient dans la main droite. On porte la nourriture à la bouche avec la cuillère. Les repas sont accompagnés de thé, de soda ou de bière. Il y a des marques internationales de bière: Tiger, Singha, San Miguel, et des marques nationales: la Mandalay proche des bières indiennes, la Myanmar, la Dagon et la Skol. La Mandalay strong a une teneur en alcool de 7°5. Et pour finir il y a le “toddy”, la boisson alcoolisée des paysans, issue du sommet du palmier au parfum de noisette et une succulente eau-de-vie d’orange.

Retour à Yangon.

Ça va nettement mieux, sur les coups de 10 heures me voilà à la gare ferroviaire où m’attend le train N° 82 “Down” qui me déposera à Yangon à 16 heures. A Yangon la gare n’est pas très loin de la pagode Sule à coté de laquelle se trouve “Okinawa guesthouse“, celle qui m’a été recommandée par Kriss, le gros anglais de Liverpool. C’est un petit hôtel de trois étages situé dans une rue très animée. Le fils du patron est un boute-en-train très serviable et qui a toujours une petite attention pour ses clients. Lors de tous mes passages à la réception il m’offre du thé et des fruits. Il me fournit de très bonnes informations pour mes déplacements futurs. Aujourd’hui j’ai le temps de flâner dans les coins de Yangon que je n’ai pas eu le temps d’aller explorer lors de mon premier passage. Sur les trottoirs je croise des gens au sourire sincère qui accomplissent les gestes de la vie quotidienne. Je m’arrête devant un étal à “bétel” ou kunya. Le bétel à chiquer se présente sous forme de petits morceaux de noix d’arec séchée, enveloppés dans une feuille de bétel avec de la chaux et parfois du tabac parfumé ou de la menthe. Cette préparation est destinée à être mâchée et conservée longuement dans la bouche sans cracher. La noix et la feuille viennent de deux plantes distinctes: le palmier arec et la vigne bétel. La noix contient un alcaloïde qui procure une sensation de bien-être et qui a pour effet de tuer les vers du tube digestif (les vétérinaires occidentaux s’en servaient comme vermifuge). La noix de bétel ne crée pas de dépendance mais teinte les dents en rouge sombre et l’on dit qu’elle serait cancérigène. Pour boucler ma journée je me rends au plus grand marché de Yangon, le “Theingyi Zei”, un marché typiquement local où je trouve toutes sortes d’objets usuels: tissus, bijoux, herbes médicinales. Le secteur aux serpents propose du sang et des abats de ce reptile. Le serpent local est le bungaré, un commerçant est juste en train d’en dépecer un qui servira à des fins médicinales. Le shampoing aux herbes birmanes à base de décoction d’écorce se vend en sachets aux femmes birmanes, il sert à rendre les cheveux doux.  Un court passage à “Okinawa” pour y croquer quelques fruits, y boire un thé et récupérer mes bagages. J’appelle alors un taxi pour qu’il m’emmène au terminal nord.

Mandalay.

Un court passage à “Okinawa” pour y croquer quelques fruits, y boire un thé et récupérer mes bagages. J’appelle alors un taxi pour qu’il m’emmène au terminal nord. Inutile d’essayer de m’endormir, je préfère attendre que la fatigue et que le sommeil me gagnent car il me faut résister à la conduite sauvage du conducteur. Ce bus est tout ce qu’il y a de plus inconfortable, les fauteuils sont très durs, le bruit des tôles est infernal, il fait très chaud, la télévision est nasillarde et déclenche toutes les minutes. Les arrêts sont fréquents et à trois heures du matin le sommeil me gagne, mais pas pour longtemps car nous pénétrons dans l’état Shan où l’armée nous arrête et nous demande de descendre du bus. Il s'agît d’un contrôle de papiers. Mon passeport est vérifié par quatre personnes différentes. Mon nom, mon prénom et le numéro de mon visa sont copiés sur une feuille volante qui à son tour est recopiée sur un grand registre. Le Myanmar n’est autre qu’une juxtaposition de petits états seigneuriaux. Le gouvernement semble ne pouvoir concevoir qu’une personne puisse avoir l’envie de visiter le Myanmar. Bon ! Pas de problème pour ce qui me concerne. La démarche a été longue, nous redémarrons et après quinze heures de route depuis Yangon voici enfin Mandalay. Somerset Maugham disait: “....l’intonation descendante de ce nom charmant s’est enrichi du clair obscur de la poésie”. Avec ses 150 monastères et ses 70 000 moines la “cité d’or” est la ville symbole de la foi bouddhique. C’est aussi la ville aux cinq “P” (Parcs, Pagodes, Prostituées, Parias, Prêtres), je pense qu’il faut y rajouter un sixième P, celui de Paranoïa, car la présence de la police secrète surveille constamment les leaders de l’opposition birmane, et l’ambiance ici n’est pas à la décontraction. Mandalay est une ville étape, c’est surtout ses environs avec des sites fascinants qui m’y ont attiré. A Mandalay il fait très chaud, la ville est poussiéreuse et l’air y est irrespirable. Les quartiers de la ville sont alimentés en électricité à tour de rôle, heureusement qu’au “Royal Hôtel” il y a un groupe électrogène. A peine arrivé au Royal, qui vois-je sur la terrasse ?  Kriss l’anglais de Liverpool, il vient juste de retourner de Kalaw. Avant de me faire affecter une chambre nous avalons quelques sodas. L’hôtel est superbe et bien tenu mais les chambres sont minuscules. Kriss me raconte qu’il a eut du mal à trouver un lit suffisamment grand et solide capable de supporter son poids et sa stature. Une fois installé je décide d’aller découvrir l’environnement dans lequel je me trouve en louant un vélo. Kriss ne peut venir avec moi car il ne peut pas utiliser ces fragiles vélos de location. Nous nous donnons rendez-vous pour ce soir et resterons à dîner dans le quartier. Me voici dans Mandalay où je pars m’enquérir des bonnes adresses: post office, Internet shop, bus station, et découvrir l’âme du coin. Mandalay doit son nom à la colline qui culmine à 236 mètres. C’est la deuxième ville du pays avec ses 700 000 habitants. La présence chinoise est forte à Mandalay, ville considérée comme repaire de la prostitution et de l’héroïne. La zone d’attraction de cette ville se situe près du palais royal et sur les rives de l’Irrawady. Les rues de Mandalay ne portent pas de noms mais des numéros. Par exemple, une adresse indiquée 66 th (26/27) signifie que l’endroit se trouve dans la 66 ème artère et entre la 26 ème et la 27 ème rue qui la croise. J’ai le temps de pédaler jusqu’à la pagode Paya Mahamuni à trois kilomètres de la ville. C’est la pagode “du grand sage”, elle fut construite en 1784 par le roi Bodawpaya. Le Bouddha qui l’habite a été recouvert de quinze centimètres d’épaisseur de feuilles d’or par les fervents bouddhistes. Tous les matins une équipe de moines lave le visage du Mahamuni et lui brosse les dents. Retour au centre ville, j’ai eu du mal pour retrouver le “Royal hôtel”. Kriss est déjà là en train de siroter une bière, je lui demande de m’attendre quelques minutes avant de partir dîner. Notre choix se porte sur le restaurant Aye Myit au 81 th (36/37), la salle de ce restaurant populaire est bondée, les ventilos brassent l’air chaud, nous montons au premier étage climatisé et consultons la carte dépourvue de prix. J’opte pour des cailles au Curry rouge et de gros haricots, Kriss préfère la cervelle de mouton. Demain matin nous partirons ensemble visiter la forteresse, l’après midi nous poursuivrons sur Amarapura et assisterons à une soirée spectacle divertissante appelée “Pwe” au théâtre des “Moustache Brothers”.

Par cette chaude matinée du 6 mai nous voilà partis pour une longue découverte. Nous allons à pied jusqu’à la forteresse et moyennant cinq dollars nous franchissons des murailles de briques crénelées hautes de huit mètres et épaisses de trois mètres. Chacun des cotés de la forteresse mesure deux kilomètres. Les douves qui entourent la forteresse atteignent 70 mètres de large et trois mètres de profondeur. L’intérieur renferme le palais royal et une tour de 33 mètres de haut qui surplombe la ville. Avant de nous rendre à la station de taxis nous allons visiter la fabrique de feuilles d’or au quartier Myetpaya. Ce sont ces fameuses feuilles d’or déposées sur les temples, stupas et Bouddhas par les fidèles, qui sont fabriquées ici. Le procédé de fabrication est particulièrement archaïque, toute la journée sur une planche trois hommes battent en cadence avec une masse des feuilles d’or épaisses séparées les unes des autres par un papier de bambou très résistant. Le tout est solidement ficelé, et sous les coups de masse répétés, les feuilles d’or augmentent de surface. Elles sont découpées et l’opération recommence plusieurs fois  jusqu’à ce que ces feuilles d’or deviennent plus fines que du papier à cigarettes (1/1000 ème de millimètre). Elles sont ensuite découpées en petits carrés par de jeunes filles qui s’enduisent les mains de poudre de marbre pour que l’or ne reste pas collé à leur peau. Elles travaillent 12 heures par jour.

Amarapura et le pont de U-Bein.

Voici un Taxi ! Une mini-camionnette bleue ciel plus petite qu’une Twingo. Kriss trop volumineux ne peut s’installer sur le plateau arrière, il est obligé de passer devant, et même à l’avant ce n’est pas évident pour le faire rentrer. Amarapura se trouve à quinze kilomètres à l’est de Mandalay, c’est “la capitale immortelle” au milieu de laquelle niche le charmant et magique lac de Taungthaman. Le superbe pont romantique d’U-Bein qui franchit le lac fut construit par le maire d’Ava en 1849 en récupérant tout le bois du palais d’Ava alors abandonné. Le pont sert de lien entre la ville et la campagne pendant la période des moussons. Nous grimpons sur le pont et atteignons l’autre rive après 1,2 kilomètre de marche sur des planches assemblées et soutenues par 1800 pilotis. Nous croisons des hommes, des femmes et des enfants surchargés de fardeaux qui retournent des champs et des vieillards qui poussent le vélo. Une petite birmane d’une douzaine d’années m’accoste pour tenter de me vendre un collier qu’elle a confectionné elle-même. “... bonjour mosieur, vous acheté moi un bracelet un collier. Vous êtes sur U-Bein pont long un kilomètre et a 1800 piliers en bois. Vous donne moi un dollar et vous avoir bonne chance...”.  Nous faisons un bout de chemin ensemble et arrivé au bout du pont, la gamine m’indique qu’il est possible de traverser le lac en barque. Elle m’emmène chez son papa qui en possède une et qui assure les traversées pour un dollar. Impossible pour Kriss de monter dans la barque par risque de couler. Il traverse le pont à pied en sens inverse. Le batelier m’embarque et s’approche au plus près des pilotis et me fait longer le pont de bois par dessous. Arrivés sur la rive opposée nous invitons le batelier et sa gamine à prendre un rafraîchissement et bien entendu j’achète un bracelet de perles ou plutôt de pierres verdâtres. Dans beaucoup de maisons d’Amarapura il y a des métiers à tisser qui permettent de confectionner des longyis (pièce d’étoffe à carreaux portée par les hommes, sorte de jupe qui enveloppe la taille). 90 % des hommes portent le longyi, un vêtement idéal pour le climat. La moitié inférieure peut se relever entre les jambes et se rabattre dans le dos jusqu’à la ceinture pour former un “short” permettant de nager ou de courir. Le longyi est plus qu’un vêtement, il peut se transformer en sac en bandoulière, en drap, en nappe de pique-nique, en berceau. Il peut aussi servir de lien pour grimper aux cocotiers et aux palmiers, il sert aussi de rideau de fortune pour se protéger du soleil qui chauffe à travers les vitres des bus. Avant de regagner Mandalay il nous reste un peu de temps pour aller à la pagode Kyauktagyi. Elle est superbe ! Ses fresques sont ravissantes, elles évoquent, les scènes de vie locale au bord du fleuve et le calendrier astronomique. Le taxi nous arrête à quatre kilomètres de Mandalay, nous entrons dans la cour d’une véritable caverne d’Ali Baba dans laquelle nous trouvons tous les styles de réalisations artisanale du Myanmar. Les spécialités sont: l’argent, le bois, la pierre, les marionnettes, le jade et les célèbres kalaga (tapisseries brodées). Norman Lewis pensait: “....la religion n’est pas la seule cause de pauvreté dans la création artistique. Pour moi, l’art en Birmanie a également été asservi par la magie. Dans ce pays le contenu philosophique de la religion ne s’est pas libéré des entraves de la superstition. Ce sont elles qui ont bloqué l’énergie créatrice de ce peuple....”

 Les Moustache Brothers.

Ce soir nous partons dîner près du théâtre des « Moustache Brothers ». Le monstrueux Kriss commande six sodas et un plat garni de deux rations. Les birmans qui mangent à nos cotés sont suffoqués par son appétit, ils pensent certainement que c’est normal car il faut trois birman pour égaler le poids de Kriss. Au théâtre des “Moustache Brothers “ Les Pwe “ sont des sortes d’opéras populaires où se mêlent la comédie, la danse, le mélodrame et la musique. Ce spectacle comique est varié, il s’adresse à toutes les générations et aussi aux touristes. Il est facile de comprendre de quoi il est question car les gags gestuels se passent de traduction. Les comédiens du Pwe introduisent de subtils commentaires politiques dans leurs répliques. U-Par-Par-Lay l’un des comédiens parmi les plus célèbres du pays appartient à la troupe des « “Moustache Brothers ». Il fut arrêté pour s’être laissé aller à épiloguer sur les chapeaux des paysans. Ce dernier disait: “Mon chapeau est si large qu’il protège ma tête du soleil et de la pluie” et il répliquait du tac au tac “ Le mien est si grand qu’il protège le Myanmar tout entier” en faisant référence au chapeau orné d’étoiles symbolisant la N.L.D (National League for Democraty), avant l’arrestation d’Aung San Suu Kyi en 1989. Cette réplique lui valut six mois de prison ferme. Avec treize autres comédiens de la troupe il fut à nouveau arrêté en 1996 à la suite d’une représentation donnée le jour anniversaire de l’indépendance aux abords de la résidence d’Aung San Suu Kyi au cours de laquelle les artistes tournèrent en dérision les généraux aux commandes du pays. U-Par-Par-Lay fut condamné à sept ans de travaux forcés loin de sa famille. Il a été libéré en 2001 mais interdit de se produire hors de son domicile. La troupe s’est donc produite devant les touristes en prétextant qu’il s’agissait d’une simple démonstration. Depuis cette provocation les autorités laissent les “Moustache Brothers” en paix mais leur interdisent toujours de jouer en hors de chez eux. Nous sommes devant la porte de la maison des “Moustache Brothers” et attendons l’ouverture. Il faut au moins quatre spectateurs pour que les frères se produisent. Les minutes passent et aucun client n’arrive. Nous proposons donc de payer quatre places. C’est OK !  Il nous reste maintenant à attendre la mise en place du décor et que les vedettes enfilent les déguisements. A l’extérieur un “Brother” mâche du bétel et une de leur fille vient nous tenir compagnie, elle prépare du Tanaka, le produit de beauté par excellence des birmanes. Dans tout le pays les femmes et les enfants ont les joues recouvertes de cette crème de couleur sable obtenue à partir d’une bûchette qu’elles frottent sur un mortier de pierre. La pulpe de l’arbre additionnée d’eau donne une crème qu’elles enduisent sur leur visage. La fille des Brothers trempe ses doigts dans la crème et me recouvre le visage et les avant bras de Tanaka. Outre l’effet de beauté le Tanaka protège du soleil, de la transpiration et joue le rôle d’antiseptique. Après trente minutes d’attente la porte s’ouvre, le rideau est tiré, nous voici dans une pièce de près de cent mètres carrés. Les murs sont couverts de marionnettes, de coupures de journaux et de portraits d’Aung San Suu Kyi. Le spectacle dure une heure et demi et j’ai vite compris que la troupe continue à faire un bras d’honneur à leur régime et qu’ils continuent à mener la lutte qu’a menée Aung San Suu Kyi. Nous avons passé un bon moment et nous avons appris beaucoup de choses sur ce merveilleux pays dirigé par une poignée de fachos. Nous finissons devant le pot de l’amitié franco-birmane, un verre de vin de palme local accompagné de pistaches, de cacahuètes et de petits poissons frits. En regagnant le “Royal” nous croisons de nombreuses prostituées. Nous allons boire un dernier verre, discutons et décidons de continuer ensemble le reste de notre voyage au Myanmar. Kriss tout comme moi n’est pas encore passé par le lac Inle.

Aung San Suu Kyi.

Aujourd’hui repos, j’en profite pour envoyer de mes nouvelles en France, mettre un peu d’ordre dans mon road book et pour en savoir plus sur Aung San Suu Kyi. Née en 1945, fille du père de l’indépendance du pays Suu Kyi vécut longtemps à l’étranger. Sa mère fut ambassadrice en Inde et eut un certain Rajiv Gandhi comme camarade de classe. Étudiante à Oxford, Suu Kyi rencontre son mari, un tibétologue anglais dont elle eut deux enfants. En 1988 elle rentre en Birmanie pour y soigner sa mère et devient secrétaire de la ligue nationale pour la démocratie et se trouve à la tête de la contestation au régime. Un peu plus tard elle est arrêtée et assignée à résidence. Entre temps son parti remporte les élections de 1990 avec plus de 80% des voix. Pour contrecarrer son activité politique le pouvoir s’appuie sur une loi bidon de 1947. Lauréate du prix Nobel de la paix en 1991 elle devient le symbole et le ralliement de toutes les oppositions au régime. Le régime l’isole, la prive de tout contact avec son mari et ses enfants dans le but de la contraindre à s’exiler. Rien n’entame sa détermination, elle poursuit sa stratégie de non-violence et de refus d’affrontement avec le régime, ce qui renforce le prestige dont elle jouit dans son pays mais aussi aux quatre coins de la planète. Les généraux se voient obligés de la libérer en juillet 1995. Libérée, elle reprend la tête du N.L.D avec deux vieux compagnons de lutte, si bien qu’elle se retrouve surveillée de près et interdite de meetings. Elle trouve un moyen original pour communiquer tous les samedis et dimanches depuis le portail de son domicile au 54 route de l’université. Là il y a entre 1000 et 3000 personnes à chaque fois. Le jeu du chat et de la souris continue mais ses manœuvres sont très étroites. Son parti a été décimé par la police politique et de nombreux activistes sont mis en prison. Les généraux qui voulaient la contraindre à des négociations se trouvèrent devant un refus catégorique de sa part car elle exige toujours le respect intégral du résultat des élections de 1990. Vaclaw Hovel préface son ouvrage “ Se libérer de la peur ” de la phrase suivante: “  Elle a refusé l’exil qu’on lui proposait pour racheter son silence. Assignée à résidence elle a choisi la vérité. Elle est donc le plus admirable symbole de ce pouvoir que possèdent même ceux qui semblent n’en avoir aucun. Les pressions extérieures semblent avoir fonctionnées, les discussions entre la N.L.D et la junte ont été suivies en mai 2002 par la libération de Suu  Kyi et des membres de son parti. Suu Kyi reste cependant prudente sur l’avenir du Myanmar dont elle décrit la nouvelle situation comme un difficile numéro d’équilibrisme. On peut alors espérer le début d’une période de dialogue. Seul le temps nous dira si la glace sera rompue entre la N.L.D et le régime ?

Pyin-U-Lwin (ou Maymyo).

Départ pour Pyin-U-Lwin (ou Maymyo), située à 1070 mètres d’altitude. Cette petite ville qui abrite près de 5000 népalais et 10 000 indiens doit sa réputation aux pulls tricotés à la main par les femmes. Nous accédons à Pyin-U-Lwin par une charmante route et traversons la plaine cahin-caha avant de nous engager sur les hauteurs par une route sinueuse. Les arrêts sont fréquents car il faut remplir d’eau le radiateur du bus. A mi-chemin nous nous arrêtons à un point de vue qui nous permet de découvrir de somptueux paysages. Le long de la route les villageois vendent d’énormes cubes de bois qui permettent d’immobiliser les bus et les camions stationnés en pente raide. Pour circuler dans Pyin-U-Lwin c’est un moment de plaisir avec un moyen de transport peu habituel, de minuscules voitures fermées tirées par des poneys. Situées en zone tempérée les cultures de légumes et de fleurs sont abondantes: fraises, glaïeuls, roses, dahlias, mûriers, café. Notre passage ici n’est pas pour visiter la ville qui est très ordinaire mais pour ses environs qui offrent des sites naturels attrayants, des grottes, des cascades et de petits villages Shan. Nous nous dirigeons vers les cascades d’Anisakan à huit kilomètres de la ville pour y pique-niquer. A partir du village de Anisakan nous entamons une marche de 600 mètres jusqu’à la voie ferrée, là, une piste de terre battue nous emmène au parking du site. Nous abordons la longue descente de 45 minutes à travers une belle gorge. Nous ne regrettons pas nos efforts car la cascade est spectaculaire. Elle compte cinq chutes successives admirables, surtout la troisième. La remontée au parking éprouve nos muscles et nous attendons plus d’une heure pour qu’une camionnette vienne nous chercher. Arrivé au “Golden Dream Hôtel” nous nous installons dans la courette avec nos guides respectifs pour organiser notre descente sur Bagan. Après maintes discussions nous optons pour la solution fluviale. Nous prendrons le slow boat et descendrons l’Irrawady. Le bateau doit normalement lever l’ancre demain à 5 h 30 du matin, nous estimons arriver à Bagan vers 19 h 30. Heureusement que le trajet en slow boat est plus rapide en descente qu’à contre courant.

Le fleuve Irrawady.

L’Irrawady  “fleuve éléphant” est le fleuve nourricier du Myanmar et l’artère vitale du pays. Long de 2700 kilomètres il prend sa source au Tibet dans l’Himalaya et traverse le pays du nord au sud pour se jeter dans le golfe du Bengale, il est navigable sur plus de 1600 kilomètres. Nous partons depuis la jetée de Gawwein. Le slow boat n’est pas très confortable mais l’ambiance à bord est sympathique et familiale. Nous sommes les deux seuls européens à bord et allons cohabiter pendant 14 heures. Il y a un réchaud à bord où les passagers peuvent faire leur petite cuisine. En cette saison il n’y a pas beaucoup d’eau dans l’Irrawady, c’est la troisième fois que le bateau échoue sur un banc de sable, la manœuvre est longue pour arriver à le désensabler. Chaque fois que nous accostons aux abords d’un village les passagers mettent les pieds à terre durant 15 à 20 minutes, ils descendent en équilibre sur des poutres de bois car le bateau ne peut pas s’approcher du rivage. Les enfants, eux n’utilisent pas les poutres, ils se jettent par dessus bord et regagnent le rivage à la nage. Chacun va faire de rapides emplettes et au moment où la cloche tinte c’est la ruée pour remonter à bord. A bord nous sympathisons avec tous les passagers qui ne somnolent pas, chacun d’eux nous offre à manger et pour passer le temps nous jouons avec les enfants. A Pakokku le bateau marque un très long arrêt, de nombreux passagers descendent et débarquent des tonnes de marchandises: fruits, légumes, sacs de riz, mobilier, tandis que d’autres embarquent les mêmes produits et des ustensiles de cuisine, des fagots et des cartons immenses. Ceux-ci se rendent à Bagan pour participer au grand marché. La nuit commence à tomber, le soleil est très bas, les couleurs sont féeriques, le ciel est rougeâtre et le fleuve orangé. Tout le monde appuyé à la rambarde est ébloui par ce sublime décor. Au loin les premières lumières de Bagan sont perceptibles, tout le monde rassemble ses bagages. Bientôt nous serons à quai. Le port fluvial se situe en contre bas de Bagan, pour monter sur la ville nouvelle qui se nomme Nyaung-U, des chauffeurs de motocyclettes s’arrachent les passagers. Kriss est obligé de monter à pied car personne ne prend le risque de le véhiculer. Je me charge donc de son sac et nous nous donnons rendez vous au sommet. Il faut maintenant trouver un logement car il est déjà 20 heures. A cette heure il fait encore de 34 à 36°C, beaucoup de birmans nous l’avaient dit “ Bagan et ses environs est la région la plus chaude du pays. Nous nous renseignons pour passer la nuit à “Inn Wa“, une gentille guesthouse bien tenue qui dispose de chambres climatisées, et nous n’allons pas chercher ailleurs car nous tombons de sommeil.

Bagan (ou Pagan).

Bagan est je pense le plus fabuleux site archéologique au monde après celui d’Angkor au Cambodge, il fait parti du patrimoine universel de l’humanité. A Bagan s’élèvent 2200 pagodes éparpillées dans un horizon immense (40 km2). A l’issue d’un copieux petit déjeuner nous devons nous rendre dans Old Bagan. Le seul moyen de déplacement et le plus rapide est la calèche, de plus le cavalier nous sert de guide. Kriss a beaucoup de mal à se hisser sur le marche pied de la calèche, une fois à bord il est obligé de voyager allongé car le pare soleil est très bas. Le cheval s’est tout de suite rendu compte qu’il va avoir une rude journée. Ici les couleurs changent à toute heure de la journée, à l’entrée de Old Bagan est installé un péage où nous nous acquittons respectivement de dix dollars. En échange nous obtenons un “pass” valable pour tout notre séjour ici. Depuis le début de notre ère, 55 rois régnèrent à Bagan, mais c’est à partir du III ème av JC que la région connut la civilisation Pyu de l’Irrawady puis la civilisation Môn de Thaton. Depuis tout ce temps l’architecture est un mélange d’arts d’influence: Chine, Ceylan, Inde, Birman, Mongol et Khmer. Le roi Anawratha, 42 ème monarque fut le véritable unificateur du royaume birman (1044-1077). La richesse du royaume birman intéressait l’empereur Qubilai Khan (petit fils de Gengis Khan) qui prit la ville en 1287 et la préserva. Les dégradations des vestiges proviennent des intempéries et des catastrophes naturelles: tremblements de terre, débordement de l’Irrawaddy. Ces calamités ravagèrent et détruisirent un tiers des temples. Le dernier tremblement de terre date de 1975, les principaux monuments furent bien restaurés notamment grâce à un programme de l’UNESCO. Fin mai 1990 l’ordre fut donné à tous les habitants de déménager du vieux Bagan. La population a été déplacée dans les villages environnants. Fabuleux ! Un véritable enchantement ! Chaque temple, chaque pagode possède sa propre originalité, et sa couleur particulière. Nous nous approchons du plus imposant temple, celui d’Ananda, ce modèle de temple-caverne a été construit en souvenir aux montagnes légendaires de l’Himalaya, il a la forme d’une croix grecque et s’élève à 56 mètres du sol, le cube central sur lequel il repose mesure 53 mètres de côté. Il est couronné d’un stupa en forme d’ombrelle. Les terrasses sont décorées de 550 carreaux vernissés illustrant des scènes de Jataka (récits des vies passées de Bouddha). D’énormes portes sculptées en teck séparent les salles intérieures. Une statue représentant un dieu tient entre le pouce et le majeur une boulette qui symbolise Bouddha offrant le Dhamma (enseignement bouddhique) comme un remède pour soulager la souffrance. Le temple d’Ananda est le plus vénéré de Bagan, des milliers de personnes viennent y méditer. Au cours de la célébration du grand Paya Pwe des milliers de moines viennent chanter pendant trois jours et trois nuits sans interruption. Nous partons en croisade de pagode en pagode, de temple en temple, de sanctuaire en sanctuaire et nous nous arrêtons au Patho Thatyyinnyu, le temple le plus élevé de Bagan, appelé  “temple de l’omniscience”, puis au Kyaung Nathlaung un temple hindou dédié au dieu Vishnou, au Pahto Gawdawpalin le plus endommagé lors du séisme de 1975, au Paya Mahabodi une réplique du temple Bodhgaya en Inde qui commémore l’emplacement où Bouddha atteignit l’illumination, et au Shinbin Thalyaung qui contient un Bouddha couché de dix huit mètres de long. Nous approchons maintenant du fleuve, je commence à en avoir assez de tous ces édifices. Après le Mingalazedi sur la terrasse duquel nous dominons la vieille ville, nous décidons de changer d’atmosphère et allons à Zhezigon. Il fait une chaleur torride, plus de 40°C, nous sommes harassés, par chance aux abords du Zedi central se trouvent des Zayats (lieux de repos). A l’intérieur la température est plus supportable, je m’allonge sur une natte d’osier et tombe dans un profond sommeil. Trois quart d’heure après je fais surface, je transpire, il fait encore trop chaud pour mettre le nez dehors. Sous la voûte d’accès au Zedi j’observe une jeune femme qui confectionne les cigares birmans, elle a un plateau tressé sur les genoux avec un petit stock de feuilles de tabac, de filtres fabriqués avec des palmes de bananiers et une sorte de glue. Je suis en admiration devant sa dextérité, elle doit réaliser une dizaine de cigares à la minute. Je tente d’en fabriquer un moi même mais c’est catastrophique.

Les cigares birmans s’appellent “Cheerot”, il s’agît d’énormes cigares contenant un mélange de feuilles de tabac blond broyé adouci avec de la sève de tamarin et des copeaux de bois afin que la fumée soit moins âcre et que le cigare se consume plus lentement. Roulés en forme de cône ils comportent à leur extrémité un filtre en corne enveloppé dans du papier journal. Taunggyi est la capitale du cigare birman, une usine emploie près d’une centaine de femmes, chacune roulant à la main quelques 1000 Cheerots par jour. Ces Cheerots sont bagués à la colle, ils sont vendus en bottes de 50 pièces, pour trois dollars. Avant de rejoindre Nyaung-U, nous allons lécher les étalages des boutiques à touristes. Kriss souhaite s’acheter un T-shirt, il trouve un triple XL, demande de l’essayer mais a du mal à l’enfiler. Chose faite, au moment de le rendre il n’arrive plus à le retirer car il est trop serré et colle à sa peau. Je lui donne un coup de main, mais catastrophe le T-shirt s’ouvre en deux. Kriss en est quitte pour en payer deux. Je ne crois pas qu’il trouvera T-shirt à sa taille dans tout le Myanmar. La calèche n’a plus que deux kilomètres à parcourir jusqu’à “Inn Wa guesthouse”, nous nous séparons et nous donnons rendez-vous pour 19 heures afin aller dîner. Nous choisissons les bords de l’Irrawady, le River View restaurant. Nous nous installons sur une terrasse en bambous et mangeons à la carte. Je choisis le steamed duck with mushrooms (canard à la vapeur aux champignons), Kriss prend un steamed whole fish with condiments (un gros poisson cuit à la vapeur avec de petits légumes dessus). Pour bien finir le repas et favoriser la digestion nous demandons un alcool de fleurs de fabrication maison. Demain quartier libre pour chacun. Je louerai un vélo pour aller parcourir la campagne et découvrir les villages environnants. Kriss qui ne peut monter à vélo restera à Nyaung-U.

Mercredi 11 mai, il fait déjà très chaud ce matin à 8 heures, je choisi un des meilleurs vélos et c’est parti pour une rude journée d’escapade à la campagne. L’éclairage est magnifique loin de la cohue de Nyaung-U. Ma balade est pleine d’intérêts car les paysages et les habitations sont bruts de forme, les troupeaux de chèvres et de poules se déplacent autour des templions. J’accède à Minnanthu par une piste sablonneuse si bien que je passe plus de temps à pousser le vélo qu’à pédaler. Merde ! Je viens de crever, heureusement que je ne suis plus qu’à deux ou trois kilomètres du village.  Me voici devant le portique en bambous et en palmes de cocotiers, qui signale l’accès à Minnanthu. Je contourne le temple blanc de Lemyethna. Il y a comme un parfum d’Afrique ! Dans la première paillote à gauche en rentrant il y a du monde, je montre mon vélo et aussitôt tout le monde accourt pour me venir en aide. Dans cette grande ferme se trouve un buffle qui tourne en rond attelé à un madrier relié à une roue crantée, je suis au moulin à huile de sésame. Sur la terrasse d’une maison de planches sur pilotis, une vieille dame confectionne un Cheerot pour sa consommation personnelle, elle en fait un autre qu’elle m’offre, il est immense, il doit mesurer 25 centimètres. Tout en fumant le Cheerot je contemple une dame qui travaille sur un rudimentaire métier à tisser. La réparation n’est pas terminée, j’ai largement le temps d’aller faire un tour dans le village. Les maisonnettes de bois ou de bambous sont séparées les unes des autres par des haies de cactus, je croise une jeune dame chargée de seaux d’eau et la suis jusque chez elle. Elle se retourne et m’invite à pénétrer pour m’offrir un rafraîchissement. Dans la pièce unique de sa cabane une gamine d’une dizaine d’années berce sa petite sœur dans un hamac tendu entre une table et un pilier. La maman va chercher un bocal dans lequel il y a des palm tree sugar (des bonbons birmans) qui ressemblent à de gros chewing-gum de couleur terreuse déjà mâchés. Ils sont très bons mais hyper sucrés et donnent soif. Ils sont faits à partir de la sève de palmier bouillie. La gamine m’accompagne récupérer mon vélo qui vient juste d’être prêt. La prestation étant gratuite, je donne deux dollars à la mémé qui m’a offert le Cheerot et deux dollars au jeune qui m’a réparé la crevaison. C’est reparti, je longe une fabrique de roues de carrioles et de chars à bœufs. La rustine n’a pas tenue mais je suis proche de la civilisation et trouve un semblant de mécano à qui je confie le vélo. Le temps de boire un coca bien frais je récupère mon véhicule et m’en vais à la fabrique de laques. La laque qui enduit les objets est de la sève, l’ouvrier entaille l’écorce et recueille la sève, elle est ensuite appliquée sur l’objet à laquer qui est déposé une semaine ou deux en cave pour sécher lentement. Après séchage parfait l’objet est poncé et poli avec une pierre abrasive. L’objet est à nouveau enduit de sève mélangée avec des cendres d’os de buffles et il faut attendre une nouvelle semaine pour le deuxième séchage. Les motifs décoratifs sont copiés dans les temples et gravés au stylet. La peinture est aux piments naturels, il faut appliquer une couche de sève d’acacia mélangée à des cendres de bois pétrifié. Voilà pourquoi certains objets demandent huit mois entre la confection et le dernier séchage. Certains objets sont de véritables pièces d’art gravées à la feuille d’or avec sept épaisseurs de laque. De grosses pièces ont été réalisées en quinze mois. Kriss m’attend car nous devons aller dîner dans le vieux Bagan au Nay Chi Oo, ce soir il y a une représentation de danses locales et de musiques. A notre arrivée le fils du patron nous accueille en jouant de la trompette. Il n’y a pas de carte et passons quinze minutes avec le patron pour y voir plus clair sur les plats qu’il propose. C’est fou le nombre de compositions culinaires dont il dispose: viandes diverses grillées ou en sauces, poissons, légumes à volonté, soupes, curies, pâtes ou riz, barbecues, fondue birmane..........Le choix fut difficile mais pas de regret nous sommes arrivés à notre faim. Demain il faudra que nous nous organisions pour traverser le Myanmar d’ouest en est. Douze heures de bus inconfortable pour aller à Nyaungshwe, la plus grande bourgade proche du spectaculaire site du lac Inle. Mais avant nous ferons une halte à Popa village et à Pindaya.

Le mont Popa.

Nous sommes aujourd'hui à 50 kilomètres à l’est de Bagan à Popa village et allons faire l’ascension du mont. Le mont culmine à 1520 mètres et tout à côté de lui le mont Taungkalat à 740 mètres n’est rien de plus qu’un ancien volcan éteint depuis 250 000 ans, il est la “montagne sacrée” du peuple birman, un lieu de pèlerinage depuis la nuit des temps. Les pèlerins viennent ici pour honorer les Nats (les esprits). Jusqu’au XI ème siècle les rois ne manquaient jamais de leur rendre visite avant d’entamer leur règne. Le mont Popa est toujours considéré comme le plus important lieu de concentration des esprits du pays. Sur la cheminée de lave sont construits des monastères et des sanctuaires qui me font penser aux monastères de Thessalie en Grèce. Pour atteindre le sommet nous gravissons 720 marches en faisant une halte au palais des esprits. Les esprits sont rassemblés dans le sanctuaire où les protège leur mère Mae Wunna patronne de la pharmacopée. Des centaines de singes nous gênent dans notre ascension, et nous accompagnent tout en haut où nous devons grimper à une échelle métallique verticale pour jouir d’un panorama magnifique. Popa vient d’un ancien mot sanscrit signifiant “fleur”, car ici c’est le berceau des plantes médicinales. Sur cet olympe birman séjournent 37 esprits du panthéon birman. Il est mal vu de porter des vêtements rouges ou noirs, de jurer et médire autrui, cela offense les esprits qui pourraient jeter un mauvais sort. Nous pénétrons maintenant dans l’état Shan, il couvre le quart de la superficie du Myanmar et est très montagneux. La région ne se prête guère à la culture de plaine comme le riz. La plante la mieux adaptée ici est le papaver somniferum (pavot à opium) qui constitue la principale source de revenus de l’état. Le pavot prolifère dans le nord et le sud-est, des endroits privilégiés pour les rebelles et les seigneurs de l’opium. Le gouvernement a donc interdit l’accès à ces zones. Le Myanmar est un “narco état”, c’est le premier producteur mondial d’opium (200 tonnes par an). Le roi de l’opium, Khun Sa, court toujours, il se contentait de prélever 30 à 40% sur ce commerce. En échange les trafiquants agissaient sous la protection de son armée de 7000 bonhommes. L’opium est transformé en héroïne dans des laboratoires secrets de Thaïlande. Aujourd’hui le commerce de la drogue a augmenté depuis que la junte est au pouvoir et les intermédiaires se sont multipliés. L’héroïne est un dérivé de la morphine (elle même dérivé de l’opium). La synthèse a été réalisée en 1898 par un chimiste allemand, elle était utilisée comme analgésique pour les cas de tuberculose. La “Schnouff” ne possède aucune vertu hallucinogène, elle procure un vertige brutal et violent (je vous rassure, je n’ai pas essayé ! j’ai relevé cela sur une affiche que j’ai trouvée a Chiang Raï dans le triangle d’or). Tous les dérivés donnent une dépendance psychique et physique et lorsqu’elle cesse d’agir une angoisse respiratoire se produit suivie de vomissement de transpiration et d’étouffement. Nous avançons lentement et nous voici dans le couloir de Thazi à Kalaw, dans la fraîcheur due à l’altitude. Les paysages sont agréables, nous traversons des villages peuplés de tribus Palaung et Karen noir. Les femmes Palaung sont superbement vêtues de beaux costumes bleus et rouges, elles cultivent du Thanaqhpeq, de larges feuilles pour envelopper les Cheerots. Nous passons une nuit à “Golden Lily”, une guesthouse aux chambres spartiates et rustiques, demain nous ferons un détour par Pindaya et il nous restera plus que deux heures pour arriver à Nyaungshwe.

Pindaya.

Nous trouvons un pick-up pour nous rendre à Pindaya. Pindaya se trouve à1180 mètres d’altitude, la ville est célèbre pour sa grotte aux 8094 Bouddhas. C’est pour aller la découvrir que nous avons fait ce détour. La ville est située au fond d’une vallée verdoyante encerclée de montagnes boisées. Nous marchons sur un kilomètre direction sud, pour éviter de mauvais escaliers et nous nous dirigeons vers l’ascenseur. Là haut depuis l’esplanade la vue sur la vallée est extraordinaire, des dizaines de pagodons blancs se détachent au milieu d’une nature verdoyante. Voici la grotte d’où se dégage une atmosphère à la fois envoûtante et romanesque. La grotte renferme 8094 statues de Bouddhas. Tout au long des siècles ces statues sacrées ont été déposées et accumulées dans le plus grand désordre. Dans la première salle de la grotte les statues ont été recouvertes de feuilles d’or, les lumières vacillantes éclairent les recoins sombres. A quatre pattes je pénètre dans la grotte de la méditation, Kriss s’abstient de peur de rester coincé. Je me retrouve en face de deux statues noires, les Perspiring statues (statues suintantes). Les fidèles recueillent l’humidité dont elles sont recouvertes avec des mouchoirs, afin que les esprits leur apportent protection. Dans une autre salle voûtée il y a une grande stalactite “the résonant stalactit” (la stalactite qui résonne), lorsqu’on lui frappe dessus elle émet une étrange résonance musicale. Au bout de la grotte un fidèle s’est placé au milieu d’un cercle de un mètre de diamètre, il se tient debout et fait un vœu, un autre fidèle le remplace et ainsi de suite...Avant qu’ils ne quittent ce lieu, les pèlerins ramassent une poignée de terre pour la rapporter chez eux. Elle protègerait parait-il leur maison du feu. Notre dernière étape avant de repartir est la visite de la fabrique d’ombrelles. Les ombrelles sont fabriquées à la main avec une armature en bois et recouvertes de papier Shan obtenu à partir des branches du mûrier. L’atelier est vraiment artisanal, il est tenu par une famille qui s’éclaire encore à la lampe à pétrole.

Nyaungshwe (ou Yaunghwe).

Nous poursuivons notre route et nous voici à Nyaungshwe juste avant la tombée du jour. Notre première chose à faire est de trouver une confortable guesthouse car nous passerons beaucoup de temps à Nyaungshwe et au bord du lac Inle. A cinq minutes à peine du centre de la ville dans un endroit bien calme nous apercevons une grande maison en bois de teck, c’est une magnifique guesthouse de Kgaung Taw Anouk Street, “Teck Wood Guesthouse”, elle possède quinze chambres très bien tenues. L’intérieur aussi est tout en bois, il y a une terrasse ombragée bien agréable pour le petit déjeuner. On se sent chez nous ! La patronne est agréable et serviable. A l’issue du thé d’accueil elle nous sort son album photos. Fière, elle nous montre un portrait d’elle avec Nicolas Hulot. Nicolas Hulot vient tout juste de passer treize jours chez elle avec son équipe. Si Nicolas Hulot est passé par là c’est qu’il doit y avoir de superbes découvertes à faire dans le coin. Nous nous installons confortablement dans ce petit paradis, je choisi le premier étage près de la terrasse et Kriss s’installe au rez de jardin. Nous nous retrouverons à 20 h car ce soir est un grand soir, c’est aujourd’hui que je fête mes 59 ans. J’espère que nous allons trouver un établissement à la hauteur de cet évènement. Nous sommes largués dans les rues de Nyaungshwe, passons trente minutes à l’Aungt Puppets Show, au spectacle de marionnettes et juste en face se trouve une cave à bières. La bière est servie au robinet, nous avalons plus d’un demi litre chacun et sympathisons avec un couple birman qui nous conseille d’aller dîner au Uhla Paw restaurant, Uhla Paw signifie “bavard”, et c’est le cas, car le patron prend les commandes en tchatchant avec les femmes occupées à couper les légumes. La rondelette matrone est madame Myint Myint, elle aime beaucoup les français mais m’affectionne pas trop les anglais (Kriss n’a pas de chance), elle a toujours le sourire et baragouine quelques mots de français. Elle nous conseille la spécialité de la maison, se sont des bols de nouilles bouillies agrémentées de toutes sortes d’herbes et de viandes, c’est succulent me dit Kriss. Quant à moi j’ai le nez dans un fried noodle chiken, les poulets du lac sont les meilleurs de tout le pays Ce matin nous restons à “Teck wood guesthouse” et travaillons à partir de nos guides respectifs et des bons conseils de la tavernière pour organiser notre séjour et nos déplacements dans le coin. Les incontournables sont: le lac avec ses nombreuses balades, tous les villages qui le bordent, les marchés animés et les ateliers artisanaux. Nous déjeunons à “Teck Wood” et cet après-midi nous irons nous renseigner pour louer une barque ou une pirogue. Pour accéder au lac il faut s’acquitter d’un droit de passage de trois dollars par personne. La location d’une pirogue à moteur avec le pilote coûte sept dollars. Nous sommes fixés et retournons en ville. Jusqu’à ce soir nous avons le temps de nous familiariser avec la ville. Nyaungshwe, (ou Yaunghwe) signifie “banian d’or”, c’est une petite ville plate, quadrillée qui n’a pas encore vendue son âme au diable ou aux dieux du tourisme. La ville est en retrait du lac Inle, c’est un canal de quatre kilomètres qui le rejoint. Nous attendrons qu’il soit 17 heures pour aller à Maing Thauk. Le musée est quasiment vide, nous ne perdons pas de temps et allons voir la pagode Yatamamanaug vieillotte et patinée. Le Bouddha est recouvert d’une couverture, c’est normal, il fait froid à 1100 mètres d’altitude. Dans l’enceinte de la pagode on découvre un véritable bric à brac d’objets hétéroclites et poussiéreux: ostensoirs, cloches d’éléphants, tambours chans, objets divers non identifiables.Pour retourner en ville nous passons par le marché central, à cette heure il n’est pas très animé. Il faut se lever tôt pour voir les habitants des tribus montagnardes Paos, Padaungs et Taungyas, venir vendre leurs produits ou faire leurs emplettes. C’est par une piste poussiéreuse qui longe une colline que nous allons à Maing Thauk. Le village est à moitié “terrestre” et à moitié “flottant”. Au dessous de l’orphelinat des garçons, des pierres tombales constituent les vestiges du fort Steadman de l’époque coloniale. L’endroit est paisible et nous ne passons pas inaperçus, en l’espace d’une heure nous connaissons tous les habitants et tous les habitants nous connaissent, surtout les enfants qui sont impressionnés par Kriss le colosse. Deux d’entre eux nous font visiter leur village et c’est vite fait car il n’y a que quinze maisons, le tour terminé les deux garçons nous emmènent vers une maison du village qui joue le rôle d’épicerie, de droguerie, de pharmacie, de salle de réunion, d’atelier de réparations en tous genres et de bar tabac. J’avale un coca et Kriss trois sodas.

Sur le lac Inle.

Aujourd’hui dimanche nous allons passer toute la journée sur le lac Inle et comptons bien ne pas oublier le moindre recoin. Nous sommes à l’embarcadère du canal de Myaungshwe très tôt ce matin. Le batelier que nous avons rencontré hier s’appelle Yepo, il nous attend accompagné d’un ami car il ne veut pas nous transporter tous les deux dans sa pirogue. En effet, elle ne peut pas charger plus de deux cents kilos car en cette saison le niveau du canal est très bas et la coque risque de toucher le fond. Nous partons donc avec deux pirogues. Sur le canal qui mène au lac nous longeons le village de Maing Thauk où nous étions hier, Yepo nous dépose sur l’autre rive dans une fabrique artisanale de cigares où nous prenons un thé. Nous nous éloignons peu à peu de la vie urbaine et croisons de nombreuses barques de pêcheurs qui glissent sur les eaux calmes. Le lac Inle a un charme irrésistible. Cette étendue d’eau de vingt kilomètres de long et onze de large se situe à 900 mètres d’altitude, des deux cotés s’étalent de hautes collines sombres qui lui donnent une couleur particulière. Je suis dans un décor à couper le souffle. La pirogue de Kriss avance dans le sillage de la mienne. Sur les rives du lac et sur les îlots ont été construits dix sept villages sur pilotis peuplés essentiellement d’Intha. Les Intha sont différents des Shan par leur langue et leur culture, ils sont originaire du sud du Myanmar. Selon une légende, deux frères Intha de Dawei arrivèrent en 1369 pour servir le Sao Pha (le chef Shan), celui-ci apprécia tellement leur ardeur au travail qu’il leur demanda de faire venir trente six familles supplémentaires dont descendraient aujourd’hui les Intha du lac Inle. Les Intha ont une curieuse façon de faire avancer leurs bateaux à fond plat, ils se tiennent debout à l’arrière sur une jambe, l’autre jambe entoure une pagaie qu’ils actionnent verticalement. Ils se maintiennent en équilibre tout en faisant des mouvements pour diriger la barque. Cette technique permet de reposer les bras qu’ils utilisent pour ramer durant les longues traversées. Cette position permet d’avoir de la hauteur lorsqu’il faut manœuvrer entre les kyun myaw (îles flottantes) et les beda (jacinthes aquatiques), mais aussi pour mieux apercevoir le poisson. Les pirogues à moteur sont rares pour des raisons économiques, pratiques et écologiques.      70 000 personnes vivent sur les rives et les îles du lac. Les villageois cultivent de nombreuses variétés de fleurs de légumes et de fruits: tomates, haricots, choux-fleurs, aubergines, aulx, oignons, bétel, melons, papayes et bananes. Ces cultures sont pratiquées sur des îles flottantes où le marécage a formé des masses solides d’une fertilité incroyable. Fixées au fond du lac au moyen de piquets en bambou les îles délimitent un réseau de canaux où circulent les personnes et les marchandises. Ywama est un village où les rues sont des canaux, le marché et les activités quotidiennes se déroulent à bord de canoës. Les pêcheurs utilisent des filets coniques tendus sur des cadres de bambou et remontent des carpes. Nous nous rendons à Ywama, la petite capitale lacustre du lac, aujourd’hui dimanche c’est jour de marché flottant et une foule dense s’y presse. Les femmes Intha portent de grands chapeaux évasés et les Shan des serviettes éponge qu’elles s’entourent autour de la tête. Nous effectuons la visite d’Ywama en partie en pirogue et en partie à pied par des passerelles qui relient les îlots entre eux. La pagode de Phaung-Daw construite sur pilotis date du XII ème siècle, à l’intérieur il y a un grand autel qui abrite quatre petits Bouddhas qui ressemblent plutôt à quatre champignons dorés. A l’extérieur de jeunes moinillons jouent au cerf-volant. La lenteur de la pirogue me permet de faire de belles photos. Le décor est prenant et les villageois sont très accueillants. Nous suivons la rive et Yepo nous arrête un court moment à la fabrique de pirogues, un petit chantier naval où cinq ouvriers construisent une embarcation en bois qui verra le jour dans trois ou quatre mois. Au nord d’Ywama nous allons nous recueillir au monastère “des chats sauteurs” construit sur 650 poteaux en teck. Outre la collection de Bouddhas de style Shan ou Tibétain le monastère est habité par de nombreux chats. La légende dit: «  il y a plus de trente ans, un moine vivait ici seul avec son chat, celui-ci avait l’habitude de dormir sur ses genoux pendant la méditation. Quand le moine se levait, il lui criait, saute ! et le chat sautait par dessus son bras et toujours de plus en plus haut, cela devint un véritable jeu... ». Aujourd’hui les moines apprennent à leurs chats à sauter au travers de petits cerceaux qu’ils tiennent à environ un mètre du sol. Je m’empresse de filmer cette prouesse car Yepo est pressé de repartir. Vers la pointe sud du lac un village dont je n’ai pas noté le nom se consacre à la poterie et tout proche, à Kyaing Kan, la spécialité est le tissage de robes à l’aide de fils provenant des tiges de lotus. Ces robes rares sont fabriquées spécialement pour les moines et sont très chères en raison de la courte période de cueillette de la plante de lotus. Nous n’avons plus le temps d’aller voir les fabriques d’objets artisanaux cet après midi car nous sommes tout au sud du lac et le retour à Nyaungshwe sera long pour arriver avant la tombée du jour. A cette heure le décor a complètement changé d’aspect et de couleur, beaucoup de personnes rentrent et c’est le bouchon à l’entrée du canal. Arrivé  à “Teck Wood” nous nous donnons un temps de répit avant d’aller dîner chez Hu Pin. A voir le tour de taille du patron et celui de son épouse j’ai fort à penser que la nourriture profite bien ici. La grande salle est carrelée de vert sale et le ventilateur central couine. Hu Pin est adorable et parle un peu le français. Toute la nourriture tourne autour du porc et du poulet, je me régale avec un roast pork with red spices (porc rôti avec des poivrons rouges). La bière est facturée à son prix officiel, quant au repas, on paie ce que l’on veut. Connaissant maintenant le prix moyen d’un repas, nous donnons deux dollars chacun. Tout le monde est content ! Sur le chemin du retour nous nous arrêtons pour manger une sucrerie, l’aubergiste nous installe devant une table basse de trente centimètres de haut et nous porte des tabourets en plastique. Kriss a besoin de trois tabourets pour être bien installé. Nous sympathisons et devenons vite l’attraction de la soirée, de nombreux enfants sont venus en masse pour s’ébahir devant le colossal Kriss qui a les cuisses trois fois plus volumineuses que les miennes. Nous avons bien fait rire toute la rue et rentrons, sans manquer d’acheter quelques souvenirs de pacotille aux mendiants venus spécialement pour nous soutirer quelques kiats.

Comme nous l’avons fait hier nous sommes de nouveau en quête de deux pirogues pour une dernière journée sur le lac. Direction Heya, un village artisanal, les femmes d’Heya tissent sur des métiers à tisser en bois, des longyi en soie importée de Chine et les hommes fabriquent des objets en argent et en cuivre. Sur la côte ouest du lac près de Kaung Daing nous nous arrêtons à la fabrique de nouilles, de tofu et tout autre produit à base de soja. A Seinkaung près de 80 familles vivent grâce aux forges artisanales. Sous un grand hangar en bois les forgerons fabriquent des couteaux avec la ferraille récupérée des carcasses d’automobiles, ils réalisent aussi des marteaux, pinces, hachoirs, ciseaux, coupe-coupe, et même des sabres décoratifs. Le foyer de la forge et la soufflerie sont au centre du hangar, un jeune garçon assis actionne deux morceaux de bambou reliés à des soufflets. Le travail est extrêmement exténuant, les forgerons musclés dégoulinent de sueur, ils tapent à coups de masse répétitifs sur l’enclume dans un bruit infernal. Nous déjeunons sommairement à Inn Paw Khon, un village extraordinaire avec d’imposantes maisons de bois sur pilotis implantées au milieu des eaux. Ici une entreprise familiale a monté en 1932 un atelier de tissage et de confection de tissus en soie. La patronne, madame Nang Mya Oo dirige une centaine d’ouvrières qui s’activent sur les métiers à tisser d’origine thaïlandaise fabriqués par les Intha. La plupart de ces ouvrières sont de vieilles dames assises devant leurs machines qui font un travail méticuleux. Un sentiment de travail laborieux se dégage dans cette immense salle de travail. Nous terminons dans la salle d’exposition et de vente. Sur les murs je découvre des photos dont une qui montre un défilé de mode organisé à Paris, les dames portent les créations en tissus de soie du lac Inle. Dans trois mois ce sera la fête sur le lac de Phaung Daw U, la fête durera vingt jours durant lesquels une péniche promènera quatre des cinq statues de Bouddha de village en village pour aller bénir les monastères. La cinquième statue reste à Phaung Daw U pour garder le temple. C’est la statue qui avait coulée lors d’une précédente cérémonie. Maintenant repêchée et recouverte d’algues séchées elle est dressée sur un piédestal devant son temple. Lors de cette fête des centaines d’autres embarcations de tout genre accompagnent la pirogue dans sa bénédiction et des milliers de pèlerins de tout l’état Shan viennent assister à la cérémonie la plus marquante de l’état. La pirogue s’éloigne des rives du lac, j’ai un dernier regard sur ce merveilleux environnement. C’est avec un pincement au cœur qu’il me faut quitter le lac Inle, son calme, son charme et son romantisme. Je n’oublierai jamais ce joli coin de notre planète. Kriss n’a plus que cinq jours à passer au Myanmar avant de retourner en Angleterre. Nous resterons deux jours à Yangon puis il descendra avec moi à Bangkok. Il restera trois jours avec moi dans la capitale car il tient absolument que je l’accompagne au marché du week end de Chatutchak pour aller se charger de souvenirs avant de prendre son avion. Quant à moi je resterai quelques jours de plus avant de partir pour le Cambodge.

Derniers jours à Yangon.

A Yangon je m’étais promis de retourner à la pagode Shwedagon. Pas de temps à perdre pour mon avant dernier jour au Myanmar. Je m’acquitte du droit d’entrée et vais rester toute la journée là haut, je vais faire les moindres recoins et attendre la tombée du jour et les illuminations. Je rencontre beaucoup de monde, côtoie et communique avec un maximum de birmans. Une gentille famille me demande de quel signe je suis et m’accompagne devant le chien (signe correspondant à mon année de naissance). La gamine me donne une timbale et je dois verser 59 timbales d’eau sur un mini bouddha couvert d’or (59 années de ma vie). Chose faite je suis invité à pique niquer avec eux, la gamine et son papa parlent assez bien l’anglais et j’apprends beaucoup de choses sur ce mystérieux pays. A l’issue de nos discussions engagées je m’interroge sur la réputation de ce pays face aux pays étrangers. “ Faut-il se rendre en Birmanie pour affaires ou pour y faire du tourisme ”?  Cette question résume les interrogations que se posent bon nombre d’industriels depuis des années. L’organisation mondiale du travail a quant à elle tranché, elle recommande aux organisations internationales de réexaminer leurs relations avec la Birmanie. Le motif est le recours systématique au travail forcé. Plus d’un million d’individus seraient concernés par cette pratique. La junte au pouvoir s’autorise depuis 1988 à réquisitionner des lots de travailleurs, surtout des ethnies minoritaires, au bénéfice des multinationales, telles que l’entreprise pétrolière française Total épinglée pour avoir fermée les yeux sur ces pratiques. 50 000 travailleurs “volontaires” auraient été mobilisés autour du gazoduc de Yadana pour la construction d’une voie ferrée. L’affaire a fait tellement de bruit en 1996 que les dirigeants de Pepsi-co, Calsberg, Reebok, Texaco aient d’un seul coup cessé tout investissement en Birmanie. Outre au travail forcé la population est également soumise à des violations des droits de l’homme (exécutions extra judiciaires, atteintes à la liberté d’expression, déplacements forcés de population.....). Dans un rapport publié en 2000 Amnesty dénonce le recours à la torture pratiquée de manière régulière dans toute la Birmanie, au point d’en devenir une véritable institution. La Birmanie est un pays où la liberté d’expression est quasi nulle. Le 27 décembre 2000 le journaliste d’opposition Aung Miynt a été condamné à une peine de 21 ans de prison ferme. La situation des droits de l’homme est telle aujourd’hui que l’opposante au régime Aung San Suu Kyi a appelé au boycott du tourisme dans son pays, estimant que “...les méfaits liés à l’activité touristique sont bien supérieurs aux bienfaits qu’un individu, même bien intentionné peut apporter...”.  Quant à ma pensée personnelle, c'est la suivante: aller sur place peut aussi être une façon de témoigner et d’aider à désenclaver un tant soit peu le pays. Depuis la suppression des F.EC (Foreign Exchange  Currencie) l’argent que je dépense en Birmanie profite maintenant à la population locale, contrairement à l’argent provenant d’un certain tourisme canalisé qui préfère engraisser les organismes gouvernementaux.

Dernier jour ! Le vol TG 4542 quittera Yangon à 17 h 45, il ne me reste plus que quelques heures pour arpenter une dernière fois les artères de la ville, retourner au marché, passer un instant avec les peintres, aller chez le coiffeur et siroter un dernier thé. Je regagne Okinawa pour récupérer Kriss et mes bagages et nous appelons un taxi pour rejoindre l’aéroport. Je vais laisser derrière moi ce pays rare, cette terre qui chante et vais emporter les visages et le souvenir d’un peuple simple. Je n’oublierai jamais les traditions et les gestes de ces gens, le sourire charmant des birmanes, l’humilité des bonzes en quête de nourriture, le regard fier des Inthas, le sourire tout entier de cette contrée qui est un dernier bastion d’authenticité au monde. La Birmanie a beaucoup exigé de mes forces et de mes efforts mais j’ai été récompensé au centuple tant la beauté était de partout, sur ces pagodes aux flèches d’or, sur ces paysages resplendissants, sur les couleurs éclatantes des parures, sur les reflets de l’Irrawady. Dommage qu’en Birmanie le mot liberté n’existe pas et pour cela je garderai de l’affection et un profond respect pour la figure de proue de l’opposante au régime Aung San Suu Kyi.

 

Thaïlande : Bangkok

Bangkok vendredi 20 mai à 19 h.

Nous voici à Bangkok, Kriss ne connaît rien de cette trépidante capitale mais il me fait entièrement confiance et se laisse guider jusqu’à Taewez guesthouse où je suis attendu car j’avais pris soin de réserver ma chambre “101“. Tout le personnel de l’établissement est ébahi à la vision du nouveau client, il est aussitôt pris en considération et une chambre proportionnelle à sa stature lui est affectée. Nous dînons sur place. Kriss va se coucher, quant à moi, je m’installe devant un ordinateur pour donner de mes nouvelles en France, aux amis du cavaou grasenc et à Yannis à qui je n’avais pas écrit depuis plus d’une semaine.   « ......Yannis, ça y est, je suis de retour à Bangkok et je vais rester quelques jours en Thaïlande avant de partir pour le Cambodge. Je compte passer quelques jours à Hua Hin pour me reposer au bord de la mer car mon séjour en Birmanie n’a pas été de tout repos. Je ne regrette vraiment pas d’avoir choisi cette destination, car ce pays que je viens de laisser m’a profondément marqué. J’aurai des pages entières à t’écrire pour te dire combien j’ai été ébloui par tous les coins où j’ai mis les pieds et les yeux et par la gentillesse et la simplicité de tous les êtres que j’ai rencontré. Mon caméscope et mon appareil photos ont chauffé, à mon retour j’aurai de quoi te faire partager tous ces bons moments qui m’ont ouvert les yeux sur des choses simples de la vie auxquelles on n’attache plus d’importance dans notre quotidien. Chez nous, tout ce qui est simple nous semble parfois très compliqué, chez eux tout ce qui est compliqué se passe très simplement. Les cartes postales du Myanmar que tu reçois maintenant ont quinze jours de retard et dans les prochains jours tu en recevras encore alors que je serais au Cambodge. N’oublie pas de donner de mes nouvelles à mamie, tu peux la rassurer car tout s’est bien passé, tout se passe bien et tout continuera à bien se passer. Demain à Bangkok je passerai au “Pantip Plaza” pour essayer de te trouver les CD que tu m’as demandés. Il faut que tu notes l’adresse du copain anglais que j’ai rencontré au Myanmar. J’ai trop peur de la perdre: Kriss Rowey , 53 Greenacres Fulwood - PRESTON - LANCASHIRE - PR 27 DB - ENGLAND. E.mail: prestonateng2006@yahoo.com . Téléphone: +0044-7793322 935. Je t’enverrai de prochaines nouvelles avant de partir au Cambodge et depuis le Cambodge où il est plus facile de communiquer qu’au Myanmar ............................ »

C’est le week end à Bangkok, j’ai promis à Kriss de l’emmener à Chatutchak, au grand marché du week-end. Mais avant nous passons à Pathunam au “Pantip Plaza”, le plus grand magasin d’informatique de Bangkok, un véritable super marché du Computer. On y trouve tout, du plus petit composant jusqu’à la plus sophistiquée des configurations. Le magasin est parfaitement climatisé et regorge de self services. Nous y passons un long moment avant d’aller affronter la foule et la chaleur qui plombe sous les bâches du week end market. Il y a 80% de chances que l’on se perde dans ce labyrinthe, aussi nous prenons la précaution de nous fixer un repère bien précis. Nous nous séparons et nous retrouverons dans deux heures sous la grande horloge de la section 18. Pour accéder au marché il y a 24 portes toutes identiques et le marché se divise en 28 sections. Chacune des sections est un véritable damier composé d’une douzaine d’allées numérotées. Il se vend de tout, du poulet aux serpents vivant en passant par les pipes à opium et les plantes médicinales. On y trouve aussi des vêtements traditionnels, des instruments de musique, de l’artisanat des tribus, des amulettes religieuses, des fleurs, du matériel de camping, des surplus militaires, des ustensiles de cuisine, les luminaires, des parfums et toutes sortes de souvenirs du pays. Dans toutes les sections se trouve une multitude de petites cantines et kiosques où l’on peut manger à bas prix à tout moment et pour tous les goûts. Un petit train électrique permet de passer du nord au sud, d’ouest en est et de passer de la section 1 à 14 ou de la 7 à 21 qui sont les plus éloignées. Sous la grande horloge Kriss m’attend assis à côté d’un immense sac plastique bourré de souvenirs. Nous levons le camp en taxi pour regagner Taewez afin de tout y déposer avant de terminer la journée au “Naaz”, un restaurant indien. Je commande un mouton Korma et Kriss un poulet Biryani. Pour dessert nous prenons chacun un Firni, (pudding aux noix de coco, amandes, cardamome et safran). Avant de rentrer nous allons boire une “Singha” dans un bar à l’atmosphère sophistiquée agrémentée d’une bonne musique. Pour son dernier jour de voyage Kriss ne quitte pas le quartier Thewet, quant à moi je fonce à Kao San Road pour y réserver un bus VIP pour me rendre à Trat lundi matin, point de départ pour le Cambodge. Au Cambodge je n’y resterai qu’une quinzaine de jours pour retrouver Phnom Penh que j’avais beaucoup aimée il y a deux ans, j’irai ensuite vers l’est du pays dans une région sauvage et retirée puis remonterai sur l’admirable site d’Angkor avant de rentrer de nouveau en Thaïlande par le poste frontière nord, Poïpet au Cambodge et Araniaprathet en Thaïlande.

 

LE CAMBODGE

 

Me voilà à l’étage du magnifique bus VIP qui fait escale à Trat avant de déposer les touristes à Laem Nnop. Après cinq heures de route je suis le seul passager qui descend à Trat car peu de routards prennent cet itinéraire pour rentrer au Cambodge. Je débarque à “HP guesthouse“, là où je me trouvais si bien il y a deux ans lorsque j’ai rencontré mon neveu de Dordogne avec sa copine hollandaise. La patronne est toujours la même, une véritable encyclopédie, c’est elle qui m’explique dans les moindres détails comment il va falloir que je m’y prenne demain pour arriver à Phnom Penh avant la nuit.

Mardi 24 mai, je suis debout à cinq heures du matin et me pointe à la station de mini bus pour la frontière cambodgienne. En réalité Trat est à quinze minutes seulement du Cambodge mais aucune route n’existe pour rallier Phnom Penh. Je suis donc obligé de descendre dans l’extrémité sud de la province, au poste frontière de Hat Lek. Hat Lek est un petit poste frontière où les marchandises non taxées font la navette entre les deux pays. Pour rejoindre le poste cambodgien de Krong Koh Kong, je prends une mototaxi car je n’ai pas envie de faire deux kilomètres à pied avec mon sac sous 39 °C. Le chauffeur de la moto m’aide dans mes démarches, je fais valider mon visa et il me conduit chez un copain qui change des dollars et des bahts en riel: 1 dollar = 3800 riels. Je change 50 dollars pour survivre quelques jours puis il me conduit à la station où je dois prendre un bus pour la capitale cambodgienne. Les choses se compliquent car il n’y a plus de bus et je ne compte pas perdre du temps ni passer la nuit ici. Le brave chauffeur de moto s’absente, et quelques minutes après le revoilà avec son copain le banquier en herbes. Son copain possède un petit bus en piteux état et c’est lui qui me conduira à Phnom Penh moyennant un prix exorbitant. Le trajet est pittoresque, nous sommes obligés de traverser les états de Koh Kong et de Kompong Speu en empruntant une piste carrossable de 80 kilomètres et traverser quatre cours d’eau. Pour traverser ces cours d’eau l’estafette me dépose chaque fois sur le rivage et un gros radeau de bambous géants vient charger quatre à cinq véhicules. En attendant la manœuvre j’ai le temps de manger, boire, côtoyer les habitants et fumer une cigarette de marque “Alain Delon”. Les paysages que je traverse sont superbes, la verdure tropicale se détache sur le fond rougeâtre des collines, les eaux chargées d’alluvions sont rouge orangé. Le ciel s’assombrit, nous arrivons à Phnom Penh. Je demande au chauffeur de me déposer sur la grande esplanade entre le temple Wat Phnom et le grand boulevard Norodom. Je trouve rapidement  “The last home Guesthouse” et m’y installe, adresse: Last Home 47 Ph 108  Tél: 724917 Mail: forum.org.kh. Phnom Penh est une ville charmante mais dure à vivre, elle est située au confluent du Mékong, le plus puissant fleuve d’Asie. Malgré la violence de son histoire récente Phnom Penh est maintenant en pleine renaissance, les bâtiments délabrés sont en cours de restauration, les temples reprennent vie les restaurants et les terrasses poussent comme des champignons et offrent une bonne animation à la ville. Les berges du Mékong s’embellissent et Phnom Penh bouge et pourrait devenir la “perle de l’Asie”. (Faites un retour en arrière, année2001, mon premier voyage “Thaïlande, Laos, Cambodgepour tout retrouver des sites que je vais à nouveau parcourir cette année: le palais royal, la pagode d’argent, le wat Phom, la prison, le charnier de Choeung Ek, le temple d‘Angkor........ ).

 Kratie et la province du Rattanakiri.

Avant de monter sur le site d’Angkor j’ai décidé de me rendre dans la province du Rattanakiri totalement à l’est du pays. L’escale incontournable avant de m’y rendre est Kratie, la ville où l’on mange des araignées. Kratie se trouve à 348 kilomètres au nord-est de Phnom Penh, la route pour s’y rendre est dans un état catastrophique et des travaux de grande ampleur ralentissent ma progression. Heureusement que je suis parti à 6 h 30 ce matin. A Kompong Cham je quitte le bus et prends un Pik-up pour 20 000 riels, la route est vraiment épouvantable, elle longe le fleuve jusqu’à Stung Trong où je prends un ferry pour traverser le Mékong. Le parcours est magnifique, je traverse de petits villages plein de charme et après huit heures de route me voici à Kratie. Kratie est une petite ville installée sur les rives du Mékong. Peu d’étrangers s’aventurent ici car cette zone fut l’une des premières à tomber dans les mains des khmers rouges lors de la guerre civile. Cette ville fut aussi l’un des premiers chefs-lieux libéré par les forces vietnamiennes le 30 décembre 1978 avant qu’elles ne renversent le régime de Pol Pot. A Kratie je m’installe à “Star guesthouse“, il fait une chaleur torride, il ne reste plus qu’une chambre très chaude au premier étage, j’y dépose mes affaires et prends soin de cacher ma sacoche contenant mes précieux papiers et 700 dollars, sous le matelas. Je mets la clim en marche et descends me désaltérer à la réception. Quelques minutes après je remonte faire du rangement, la chambre est un véritable four, la clim ne fonctionne plus. Je demande à la patronne de me changer de chambre mais elles sont toutes occupées, elle me propose alors de déménager et d’aller en face à “Hy Heng Ly guesthouse“. Pour un dollar de plus je déménage et m’installe au frais. Je profite de mon après-midi pour aller découvrir la ville, me renseigner sur les curiosités environnantes et sur la façon et les moyens de se déplacer dans la province. A part la “Star guesthouse” où j’ai débarqué à mon arrivée à Kratie la ville n’offre pas un grand choix de restaurants, je vais donc dîner à bon prix dans une échoppe qui ouvre le soir sur les rives du Mékong. Demain je prendrais une mototaxi pour aller à l’observatoire des dauphins d’eau douce. Devant le parvis de ma guesthouse à huit heures du matin il y a déjà deux moto-taxi qui attendent les premiers clients. Je suis le seul touriste dans le coin, aussi je n’ai pas l’embarras du choix. Je négocie une balade vers l’observatoire des dauphins d’eau douce pour 10 000 riels. Nous faisons une vingtaine de kilomètres et arrivons à Kampi, le chauffeur coupe le contact car il n’a pas le droit d’entrer avec le moteur en marche lorsqu’il arrive à la réception de la réserve. Je m’acquitte de cinq dollars, c’est à dire du droit d’entrée et de la location d’un guide avec sa barque qui m’emmènera voir les dauphins. Avant la guerre civile le Cambodge abritait un millier de dauphins, mais leur nombre s’est bien réduit sous le régime de Pol Pot, durant lequel ils étaient chassés à la dynamite pour leur extraire leur huile. C’est en pleine saison des pluies que l’on en rencontre le plus, mais le pilote de la barque est tellement rusé qu’il m’emmène dans une zone où ils se regroupent souvent. Après quarante minutes d’attente les voici de très prés. Ce sont des “trey pisault”, dauphins d’eau douce de l’Irrawady, ils font partie des espèces menacées en Asie. Outre au Cambodge, il en existe aussi au Laos, au Bangladesh et au Myanmar. Sur le chemin du retour je m’arrête dans un restaurant très agréable implanté au bord d’un petit lac quasiment asséché et je me délecte de beignets de crevettes à la sauce piquante. Arrivé à Kratie je m’installe devant une bonne bière à la terrasse de ma guesthouse et j’aperçois un européen, pressé qui se dirige vers moi avec dans les mains une sacoche identique à la mienne. Il s'agit de ma sacoche, celle que j’avais placée hier sous le matelas de ma chambre de la “Star guesthouse”. La patronne l’à récupérée et a demandé à l’allemand qui vient de s’installer chez elle de me la rapporter. C’est la femme de ménage qui l’a trouvée et l’a remise à sa patronne. Je propose une boisson à l’allemand mais celui-ci est très pressé et s’en va. Les mains me tremblent alors que je l’ouvre pour vérifier son contenu. Ouf ! Voici mes billets d’avions, mon passeport et même les sept billets de 100 dollars. D’un bond je traverse la rue et fonce à “Star guesthouse” où je demande à rencontrer la femme de ménage. Elle n’arrivera qu’en fin d’après midi. Sur les coups de 18 heures la voici qui arrive avec sa mobylette, je l’interpelle, lui adresse mes plus chaleureux remerciements puis à l’écart des clients je lui remets 30 dollars. Elle est très gênée, 30 dollars correspondent quasiment à deux mois de son salaire. A l’issue de cette heureuse nouvelle je dîne sur place et offre à boire à tout le monde. Je rentre me reposer et demain je resterai à Kratie.

Ce matin je prends mon temps pour aller au marché et je remarque que les habitants de Kratie sont tous pressés, ils ont tous des petits drapeaux dans les mains et prennent la même direction. Un enfant me donne un drapeau et je suis le mouvement, nous avançons vers le temple de la ville, il est 10 heures et pratiquement tout Kratie est aligné sur les trottoirs, certains agitent le portrait du Roi. J’ai vite compris que Sihanouk était en visite officielle au moment où des voitures noires, sirène à fond allaient pénétrer dans le temple. J’ai même eut le privilège de filmer ce moment où Sihanouk apparaissait du toit ouvrant de son véhicule. Mais je ne suis pas venu à Kratie pour y voir le Roi mais surtout pour y déguster les spécialités régionales qui sont les mygales. Dans la petite localité de Skuon les habitants mangent les mygales depuis longtemps et à tous les repas. La bourgade n’a aucun intérêt mais cette curiosité locale m’a poussé à m’y rendre. J’ai eu le temps d’observer et examiner attentivement ces bestioles offertes dans toutes les échoppes du village. Les mygales cuisinées sont empilées dans des plateaux circulaires portés sur la tête des commerçantes. Les araignées sont élevées dans des trous creusés dans le sol, on les appelle les Kate Nolan. Je ne suis pas venu pour rien ! Je fais la connaissance d’une vieille cambodgienne qui parle quelques mots de français et m’offre fièrement un cornet de mygales. L’expérience gastronomique est insolite, je regarde une gamine qui est en train de se régaler et je fais comme elle. On les mange comme l’on mange de petits crabes cuisinés, en cassant la carapace et en pressant sur les pattes pour en extraire la chair. Leur saveur se rapproche de celle des ailes de poulet bien cuites avec un arrière goût de cèpe et de miel. L’abdomen est immangeable tellement il est amer. Personne ne connaît l’origine de cette pratique, certains pensent que la population a commencé à manger ces bébêtes pendant la disette, lors du régime Khmers Rouges. Dans le village il existe encore un vieillard qui dit avoir été sauvé de la famine grâce à la teneur en protéines des bestioles. Je rentre très tard pour dîner et aller me coucher tôt car demain sera le jour de mon départ pour l’expédition dans la province du Rattanakiri. Il me faudra deux jours en pick-up moyennant 40 000 riels pour atteindre Ban Lung. Je trouve un chauffeur expérimenté et après 6 heures de route me voici à Stung Treng où je décide de passer la nuit. Le Rattanakiri est un endroit idéal pour rencontrer de nombreuses minorités ethniques dans un cadre luxuriant et sauvage. La région et surtout ses habitants ont beaucoup souffert des bombardements américains destinés à détruire la piste Hô Chi Minh et des risques de paludisme ou de dengue.

Au menu: minorités ethniques, cascades, jungle. Les principaux groupes ethniques sont les Khmers Loeu (Khmers supérieurs), les Kreungs, les Tompuons et les Jaraïs. Ils possèdent une langue et des coutumes propres. La province abrite aussi une importante population laotienne. Le Rattanakiri a servi de base aux responsables khmers Rouges pendant les années 60. Pol Pot et Leng Sary s’y réfugièrent en 1963 pour établir leur QG à Ta Veng. Un grand nombre de Khmers Rouges avaient des Khmers Loeu pour garde du corps, les familles de ces derniers se sont retrouvées dans des camps à la frontière thaïlandaise et ce n’est qu’en 1999 que la plupart ont pu rentrer au Cambodge après parfois 30 ans d’exil. Autrefois la richesse de la région était le caoutchouc, aujourd’hui elle a laissé la place à l’exploitation des pierres précieuses. On extrait du Zircon de bonne qualité.

Le trajet est encore long et surtout très fatiguant mais je ne regrette pas mon escapade car les paysages sont d’une rare beauté. J’ai maintenant hâte d’arriver à Stung Treng. Stung Treng sera vouée à recevoir beaucoup de visiteurs dans les années à venir car la ville se trouve stratégiquement bien placée pour pénétrer au sud Laos et puis, son environnement est agréable avec des décors à couper le souffle. Je m’installe pour passer la nuit dans une guesthouse propre mais qui n’a rien d’exceptionnel pour trois dollars, puis je vais dîner au restaurant Arunreas qui sert de succulents plats cambodgiens, j’opte pour une soupe de chevreau super tonique en gingembre. Demain il ne me restera plus que quatre heures pour arriver à Ban Lung. La piste qui relie Stung Treng à Ban Lung a été remise en état, elle est plane et bien nivelée, mais il en n’est pas de même en période de mousson. La poussière me dérange car je suis à l’arrière du pick-up, je m’attache un bandana autour du visage pour protéger mon nez et ma bouche. J’approche de Ban Lung, les environs sont beaux et paisibles, surtout le site de Boeng Yeak Lom où un lac circulaire occupe un cratère situé au beau milieu d’une jungle luxuriante. Les minorités de la région pensent que ce lieu se serait constitué il y a 700 000 ans, et elles le considèrent sacré. Des légendes évoquent que de mystérieuses créatures peuplent les eaux de ce lac. La transparence de son eau offre une visibilité parfaite jusqu’à cinq mètres de profondeur et l’endroit est idéal pour y faire une trempette. A cinq kilomètres à l’est se trouve Ban Lung, c’est ici que viennent les membres des minorités ethniques pour vendre leurs produits et aussi pour faire leurs provisions. A Ban Lung il n’y a pas beaucoup d’auberges ou d’établissements hôteliers.Pour cinq dollars je m’installe à “Mountain guesthouse”, au confort modeste. La propriétaire Madame Kim est très accueillante. Ce n’est pas encore la tombée du jour et j’ai le temps d’aller chercher des informations pour mes déplacements de demain.A mon retour je m’assois dans un coin de l’accueil pour faire le point sur la situation de mon voyage et écrire des cartes postales: «  Salut Yannis.....me voici dans la province la plus retirée et la plus charmante du Cambodge, ici j’ai l’impression de remonter le temps. Les trajets que j’effectue chaque jour sont très fatigants mais pleins de poésie, ils demandent une certaine expérience qui n’est pas donnée à des touristes ordinaires. Mais quelle belle aventure........ ».

Aujourd’hui je loue une moto tout terrain et passe plus d’une heure pour me familiariser avec elle avant de prendre réellement la route. Me voila parti pour la tournée des cascades, je m’attarde à celle de Chaa Ong Ong, la plus spectaculaire. Ses eaux coulent dans une gorge en pleine jungle, je poursuis ma visite à pied et grimpe derrière le rideau d’eau pour y prendre une douche tonique. Je me dirige à la cascade de Tuk Chrouu Bam Pul, celle-ci se décompose en sept niveaux, elle est toute proche de Chum Rum Bai où l’on extrait des pierres précieuses. Pour aller à Voen Sai à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Ban Lung je traverse la rivière Tonle Sap, entame une longue marche de trois kilomètres et traverse un village chinois, un village laotien et une zone habitée par des communautés tribales où les gens parlent encore leur langue maternelle. Après une heure de bateau je me trouve dans l’impressionnant cimetière Tompuon. Les membres d’une même famille sont enterrés ici, l’un à côté de l’autre. La jungle a repris ses droits sur les sépultures très anciennes. Je termine ma journée à Ta Veng, là où Pol Pot et ses chefs militaires Khmers Rouges établirent leur base. Les habitants affirment qu’il n’en reste plus aujourd’hui. Pol Pot, est un nom qui provoque un frisson d’effroi chez la plupart des cambodgiens et même chez les étrangers. Ce nom est devenu symbole de la folie sanguinaire. Il a dirigé son régime de 1975 à 1979 provoquant la misère, la souffrance et la mort de millions de ses compatriotes. Après sa défaite de 1979 son ombre a continué de planer et le peuple a vécut un profond traumatisme. Il est mort le 15 avril 1998.

Pol Pot.

Pol Pot nommé Salothar naquit en 1925 dans un petit village près de Kompong Thom, il connut une enfance relativement privilégiée. Jeune homme il obtint une bourse pour venir étudier à Paris où il passa plusieurs années avec Leng Sary, le futur ministre des affaires étrangères du Cambodge démocratique. C’est en France qu’il aurait développé sa pensée marxiste radicale pour adopter ensuite la politique maoïste extrémiste. De retour au Cambodge il n’entra en politique qu’à la fin des années 50. Sihanouk l’envoya se réfugier dans la jungle du Rattanakiri. Lorsque les Khmers Rouges entrèrent dans Phnom Penh le 27 avril 1975 rares étaient ceux qui se doutaient de l’enfer qui les attendaient. Pol Pot aidé de ses camarades fut l’architecte d’une des révolutions les plus radicales et les plus brutales de toute l’histoire de l’humanité. Il proclama 1975 “l’année zéro” et embarqua le Cambodge sur la voie de l’autodestruction afin de couper tout lien avec le passé. Complètement paranoïaque, pour sa sécurité personnelle il ne cessa de changer de résidence et la dernière année de son régime sa réputation était telle qu’un véritable culte de la personnalité se développait autour de lui. Pol Pot était un antivietnamien, les viets devinrent les plus grands ennemis des Khmers Rouges lorsqu’ils envahirent le Cambodge le 25 décembre 1978 et renversèrent le gouvernement Khmer Rouge le 7 janvier 1979. Même après son renversement Pol Pot pu reconstituer ses troupes et menacer de nouveau la stabilité du pays. Son décès fut annoncé si souvent que lorsqu’il mourut réellement, nombre de cambodgiens ne le crurent que lorsqu’ils virent sa dépouille mortelle à la télévision. Pol Pot a emporté beaucoup de secrets dans sa tombe. On ignore le nombre exact de cambodgiens massacrés par les Khmers Rouges pendant les 3 années, 8 mois et 21 jours de leur pouvoir. Selon enquêtes les pertes seraient évaluées à deux millions au moins. Outre les personnes tuées par les dirigeants, des centaines de milliers d’autres mouraient de faim et de maladies. Les repas se résumaient à une soupe de riz deux fois par jour, pour une journée de travail de quinze heures dans les champs. La maladie régnait dans les camps de travail, le paludisme la malaria et la dysenterie terrassaient des familles entières. Au vu de l’horreur quotidienne la mort constituait pour beaucoup de cambodgiens un soulagement.

Siem Reap et Angkor.

Arrivé à Siem Reap vendredi 3 juin 2005, je retrouve “Sun Rise guesthouse” celle que j’avais connue il y a deux ans. Rien n’a changé et je retrouve la ravissante Toï qui m’avait accompagné à travers les ruines du site d’Angkor. Cette année je choisi d’y retourner avec elle mais en usant en plus des services d’un jeune guide. Notre guide s’appelle Garen, c’est un pauvre cambodgien, sa seule fortune est sa moto-remorque, un engin hétéroclite, une sorte de carriole bâchée à deux places, attelée à une moto, le tout magnifiquement décoré. Garen est un être attachant et toujours souriant malgré la triste vie qu’il a mené et la dure vie qu’il mène encore. Tout jeune il a vu de ses propres yeux un Khmer Rouge trancher la tête de son père. Aujourd’hui il travaille dur avec son engin à quatre roues qu’il a acheté à crédit. Il fait vivre sa maman et ses deux jeunes frères avec six dollars par jour lorsqu’un touriste veut bien user de ses services. Je décide de lui donner dix dollars la journée et de l’inviter à déjeuner. Demain il viendra nous chercher à sept heures du matin et nous partirons à travers le décor surréaliste et envoûtant du site d’Angkor pour en goûter toute la paix et la sérénité. Les temples et édifices à ne manquer sous aucuns prétextes sont: Angkor Wat, la porte de la victoire, la terrasse aux éléphants, la terrasse du Roi lépreux, le Bayon, le Preah Neak Pean et le Tha Prohm. (Reportez vous à mon voyage, 2001 Thaï, Laos, Cambodge, pour trouver toutes les informations sur ces merveilles.) Garen vient nous récupérer devant la porte de la victoire et nous retournons à Siem Reap. Nous fonçons à « Sun Rise » pour nous reposer un instant avant la nuit. Nous choisissons une soirée dîner spectacle, Toï qui connaît bien Siem Reap me propose d’aller au restaurant Tonle Sap, il y a un grand choix de plats malais, japonais et européens. La soirée commence par un ballet de danses traditionnelles pas très raffinées, mais qu’importe, les danseuses sont gracieuses et pleine de charme. A l’issue du spectacle et du dîner nous allons prendre un pot  sur la véranda de “l’éléphant bar” où l’ambiance est bonne sans se ruiner. Demain Garen viendra nous réveiller pour nous emmener à la réserve ornithologique de Prek Toal. Garen est à l’heure, il nous attend alors que nous prenons notre petit déjeuner. Nous allons chercher la casquette et la crème solaire et nous voilà parti pour une heure de route. Garen nous arrête devant un embarcadère et nous pénétrons dans la réserve avec une barque.  Siem Reap est traversée par la rivière Siem Reap qui est enjambée par de multiples ponts. Nous restons un long moment au marché Psar Chaa et sur les coups de onze heures nous nous installons à la terrasse d’une échoppe du marché. La carte est en anglais et le prix d’un plat ne dépasse pas un dollar. Il n’y a que des préparations cambodgiennes traditionnelles. Les plats sont moins épicés qu’en Thaïlande et ont une légère saveur vietnamienne. Ils sont préparés dans d’immenses wok. A tous les repas est servie une “samla” (soupe). Aujourd’hui nous avons droit à une samla chapeck (soupe de porc parfumée au gingembre). Pour suivre je prends des khao phoune (de délicieuses nouilles de riz préparées dans une sauce au lait de coco) accompagnées de tout un assortiment de légumes. Toï choisi une salade à base de bœuf et de légumes parfumés à la coriandre, à la menthe et au citron. Des enfants affamés rodent autour des tables en quête de quelques riels ou de nourriture. Le repas terminé je me lève pour aller régler, aussitôt un des enfants s’empare des restes de mon assiette et va s’asseoir tout à coté pour dévorer les quelques légumes que j’avais laissé. Au moment de payer je demande un sachet de riz gluant que je vais apporter à l’enfant pour qu’il complète son maigre repas. Après la digestion nous allons faire une sieste au bord de la rivière où, immergés jusqu’à la taille de nombreux cambodgiens pêchent avec des filets circulaires. Il fait trop chaud et rentrons à l’ombre à “Sun Rise” pour attendre le soleil couchant. J’ai le temps de travailler à l’organisation de mon itinéraire de demain pour atteindre la frontière Thaïlandaise par la route du nord-ouest. Toï ne veut pas que je parte, elle me baratine pour que je reste plusieurs jours ici, j’ai du mal à lui faire comprendre que ma route est longue, que j’ai déjà beaucoup de retard et qu’il me reste encore beaucoup à faire. Ce soir nous dînons une dernière fois ensemble au “Lotus“, demain je me réveillerai à 5 heures. 

Pour atteindre le poste frontière je choisis de prendre le bus. La route qui sépare Siem Reap de Poipet est parsemée de nids de poules ce qui rend le trajet très inconfortable. Aux abords de Sisophon le bus tombe en panne, nous allons nous mettre à l’ombre et attendrons deux heures jusqu’à ce qu’un autre bus vienne nous récupérer. Nous approchons de Poipet, ville frontière célèbre pour sa saleté. Poipet s’est transformée en un véritable Las Vegas, elle abrite six importants casinos. La ville est devenue une destination de choix pour le pays voisin où les jeux sont interdits. Malgré tous les retards cumulés me voilà à la frontière thaïlandaise avant la nuit. Une moto m’emmène à la station d’où partent les songthaews à destination de Aranya Prathet, la première ville du territoire thaïlandais. Je trouve à me loger tout près de la gare ferroviaire car demain je prendrai le train pour retourner à Bangkok.

En route vers la frontière Thailandaise.

Après demain je quitterai le Cambodge, il ne me reste plus qu’une journée pour flâner dans Siem Reap avec Toï. On a vite fait pour faire le tour de la ville à pied et sans risque de se perdre, la grande “nationale 6” traverse le nord de Siem Reap et longe le marché central Psar Leu. Nous passons devant le grand hôtel, la poste et le tribunal. Juste en face se trouve la résidence royale avec la villa blanche, celle où le Général De Gaulle séjourna en 1966 lors de sa visite à Angkor. Sihanouk l’avait invité, mais pas son ministre de la culture, un certain André Malraux qui écrivit “La voie Royale” un récit romancé de son expédition archéologique qu’il mena à Angkor. Et puisque je suis dans les récits, si vous souhaitez tout connaitre dans les moindres détails sur les ruines d’Angkor, il vous faut lire “Un pèlerin d’Angkor” de Pierre Loti, il s'agit d’un admirable journal écrit en 1901.

THAÏLANDE

Hua  Hin - Triste rencontre.

A Bangkok je passe ma première journée à Taewez guesthouse pour faire du rangement dans mes affaires personnelles. Il ne me reste plus qu’une semaine avant de retourner en France. J’ai peur de m’ennuyer six jours dans la capitale et décide d’aller passer quelques jours à Hua Hin, une petite station balnéaire paisible où je vais pouvoir profiter de la mer. Je me rends donc à la station de Thomburi pour y prendre le train de 13 h 30. Le trajet jusqu’à Hua Hin qui se trouve à 340 kilomètres au sud de Bangkok est très long car le train s’arrête dans tous les moindres villages. A Ratchaburi une ravissante passagère embarque et vient s’installer à mes cotés. Elle parle bien l’anglais et est très bavarde, nous faisons rapidement connaissance. Elle s’appelle Noon, elle a 36 ans et habite à Hua Hin. Le courant passe bien entre nous, aussi le trajet nous parait plus court. Je fais mine de ne pas connaître Hua Hin alors que j’y suis déjà allé deux fois et lui demande de me guider dans ma démarche pour trouver une guesthouse à mon goût. Le train entre en gare, il est 18 h 30, j’appelle un taxi. Noon questionne longuement le chauffeur et après quelques minutes de route je me rends compte que nous ne nous dirigeons pas vers les plages. J’interroge Noon et elle me répond que nous passerons d'abord chez elle pour y déposer ses valises. Elle loue une chambrée tout près du marché central dans un petit immeuble bien tenu. Elle m’abandonne plusieurs minutes et s’en va faire une petite toilette. A son retour elle me propose de m’installer chez elle. Pourquoi pas ! Je serais en bonne compagnie et tout aussi bien qu’à “Twenty one guesthouse” où j’étais il y a deux ans. Deux de ses amies et voisines de palier se pointent, nous prenons l’apéritif et dînons tous ensemble. Les deux invitées nous quittent et nous terminons la soirée à la lueur de deux bougies devant une bouteille de Whisky. Noon sort une boite de préservatifs..... Le lendemain au petit jour je n’en reviens toujours pas de cette rencontre et de l’heureux déroulement de ma soirée. Désormais Noon ne me quittera plus d’une semelle. Nous allons à la plage en amoureux, nous déjeunons et dînons ensemble. Elle est très fière de se promener avec moi et me fait connaître tous les recoins de sa petite ville.

Hua Hin a perdue de son charme, aujourd’hui de grandes chaînes hôtelières telles que Hilton, Hyatt et Mariott accueillent un grand nombre de touristes occidentaux. La ville ne manque pas d’expatriés venus pour travailler dans les restaurants, cafés et bistrots français, italiens, espagnols, allemands qui jalonnent la ville. Cette croissance rapide n’a pas épargné Hua Hin de l’industrie du sexe, les bars à hôtesses ont envahi une petite allée du centre de la ville. Nous longeons la côte sur Thanon Naretdamri où se trouvent encore de charmantes maisons de bois et poursuivons pieds nus sur le sable chaud jusqu’à Hat Khao Takiap où mouillent de magnifiques bateaux de pêcheurs. Après le déjeuner nous faisons une agréable balade jusqu’au temple de Kao Kai Lad, édifié au bord de l’eau. De retour en ville vers 17 heures nous nous accordons une heure de repos avant d’aller flâner dans Hua Hin “by night”. Nous dînons à “l’Italiano” et allons passer plus d’une heure au clair de lune sur la plage du Sofitel. Noon ne veut pas admettre que je dois la quitter après demain. Comme beaucoup de Thaïlandaises elle est très possessive et très fière, elle me supplie de rester plus longtemps avec elle, mais ça ne me sera pas possible car je dois absolument retourner à Bangkok pour y rencontrer Alain et monter à Mochit au marché du week end une dernière fois avant mon départ. La nuit porte conseil ! Au petit matin c’est décidé, je quitterai Hua Hin demain matin au train de 6 h 30. Sur les coups de neuf heures après un bon petit déjeuner nous partons louer une moto pour nous rendre dans le parc national de Khao Sam Roï Yot, surnommé “Three hundred mountain peaks” (Parc des 300 cimes). Pour profiter de la vue spectaculaire sur les lagunes, nous gravissons les 600 mètres qui mènent au sommet du Khao Kracham. Pour trouver plus de fraîcheur nous empruntons une petite embarcation qui nous dirige à la grotte de Tham Phraya Nakhon dans laquelle venait se reposer le roi RamaV et nous retournons à pied par un petit sentier escarpé pour récupérer la moto et rentrer sur Hua Hin. En attendant la nuit, avant d’aller au karaoké nous allons siroter une Singha au bord de mer. Noon qui n’a toujours pas digéré mon départ imminent veut m’accompagner à Bangkok, mais sachant que j’aurai trop à faire en deux jours je refuse sa proposition. Les choses se gâtent ! Nous frappons à la porte de ses deux copines et nous nous dirigeons vers le karaoké et là, je constate que toutes les trois chantent très bien.  Vers 23 h 30 Noon disparaît et me laisse seul avec ses deux copines qui ne comprennent pas les raisons de sa fuite. Je retourne chez elle en pensant la retrouver, mais c’est en vain, la porte est fermée. Il est 1 heure du matin je suis bel et bien à la rue, mes papiers et mes billets d’avions sont enfermés chez elle et à 6 heures du matin je dois prendre le train pour Bangkok. Furieux je fonce au bureau de la police touristique et explique ma situation. Les flics ne pourront pénétrer chez elle qu’à 6 heures du matin et cela ne me convient pas du tout. Après plus d’une heure au commissariat de police une brillante idée me vient, je simule un malaise, les autorités me portent à boire et je leur explique qu’il faut absolument qu’ils aillent me récupérer mes affaires à l’intérieur desquelles se trouvent des médicaments que je dois prendre en toute urgence. Le grand chef donne l’ordre d’exécution et vingt minutes après les voila de retour avec mon sac et mes précieux papiers. Les flics me conduisent à la gare où je passerai deux heures à dormir profondément sur un banc en attendant le train.

Le train dans lequel j’ai passé 4 h 30 à dormir arrive à Bangkok, je fonce à Taewez pour y dormir encore deux heures avant de me rendre chez Alain à qui je narre ma bonne aventure qui avait si bien commencé mais qui s’est très mal terminée. Ce soir je ne traînerai pas jusqu’à 2 heures du matin comme j’ai l’habitude de le faire lorsque je suis chez Alain. A 23 h 30 je commence à tomber de sommeil, Alain appelle un taxi afin que je puisse regagner Taewez.

 Mon dernier jour de voyage.

Dimanche 19 juin 2005, pas même le vacarme du marché de la rue Sri Ayutthaya a réussi à me réveiller. Je fais surface à 10 h 30, m’empresse de prendre mon petit déjeuner avant de partir au marché du week end à Mochit pour y faire mes dernières emplettes. Je mets de côté 1000 bahts qui me seront nécessaires pour quitter Bangkok: 250 bahts pour le taxi jusqu’à l’aéroport Don Muang, 500 bahts pour régler la taxe d’aéroport et 200 bahts pour boire un dernier verre. Le reste de mon argent me servira à acheter des T-shirts pour Yannis et Sarah et un tas de souvenirs de pacotille.

Deux heures avant d’aller à l’aéroport je me rends au marché de Thewet pour y prendre de la citronnelle, de la bergamote et des feuilles de kafir que je congèlerai à mon arrivée. Je vais ensuite trouver la vendeuse de sauterelles, cafards et autre insectes de tout genre pour y acheter un assortiment de bestioles que Yannis m’a demandé de lui ramener. Je prends mon dernier repas à Taewez Guesthouse et monte récupérer sac et valise avant de faire appeler le taxi qui me conduira à l’aéroport Don Muang.

Comme chaque année je redoute ce voyage retour, il me parait deux fois plus long que celui de l’aller. Plein de bonnes choses trottent dans ma tête ! Pourvu que j’attrape rapidement le sommeil !

 Arrivé à Zurich j’appelle Francis pour lui reconfirmer mon arrivée dans deux heures à l’aéroport de Nice Côte d’Azur. 

 A la une...................Yangon  (AFP)  26/09/07

 La junte birmane réprime les manifestations: 4 morts et 100 blessés.

La junte en Birmanie a commencé mercredi à réprimer le mouvement de protestation mené par des bonzes contre le régime militaire, faisant charger des manifestants à Rangoun où au moins quatre personnes -un civil et trois bonzes- ont été tuées et cent autres blessées. Un des bonzes a été tué par un coup de feu alors qu'il tentait de désarmer un soldat tandis que les deux autres religieux ont été battus à mort, a indiqué un responsable birman ayant requis l'anonymat. Un second responsable a précisé que les incidents avec des bonzes s'étaient notamment produits près de la célèbre pagode Shwedagon, point de ralliement des moines qui ont pris la tête de défilés quotidiens contre la junte depuis le 18 septembre à Rangoun. Une centaine de manifestants, dont la moitié de bonzes, ont aussi été blessés et quelque 200 personnes arrêtées. Signe d'une préoccupation grandissante de la communauté internationale, le Conseil de sécurité de l'ONU a été convoqué d'urgence pour des consultations sur la Birmanie mercredi à 15H00 (19H00 GMT), a annoncé à New York le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner, dont le pays assure ce mois-ci la présidence tournante du Conseil. Mais dès avant cette réunion, les Etats-Unis et l'Union européenne se sont déclarés "profondément troublés" par les informations provenant de Birmanie et ont appelé la junte à cesser les violences contre les manifestants, dans un communiqué commun publié à Bruxelles. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a décidé d'envoyer d'urgence son émissaire spécial pour la Birmanie, Ibrahim Gambari, dans la région, tout en invitant les autorités birmanes "à coopérer pleinement avec cette mission".

Le parti de l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, assignée à résidence depuis 2003, a accusé pour sa part la junte d'avoir commis "une faute irréparable" au regard de l'Histoire, en chargeant des manifestants pacifiques, dont des bonzes. Les premiers incidents ont été signalés vers 12H00 locales (05H30 GMT), lorsques les forces de sécurité ont chargé quelque 700 personnes, principalement étudiants mais aussi des bonzes, qui commençaient à se rassembler non loin de la pagode Shwedagon. Les manifestants ont été frappés indistinctement à coups de matraque. Un peu plus tard, dans le quartier de la pagode Sule, des policiers et des soldats ont tiré en l'air et ont fait usage de gaz lacrymogène, avant de procéder à des tirs de sommation. "Ils insultent même notre religion et nos moines", a protesté un quinquagénaire en s'enfuyant à l'écart des nuages de gaz. Une heure plus tard, des dizaines de milliers de personnes, dont des bonzes, se regroupaient ailleurs dans le centre-ville, tandis que des tirs retentissaient dans d'autres quartiers, selon des témoins.
Confrontés à une montée en puissance des manifestations menées par des moines bouddhistes - 100.000 personnes sont descendues dans les rues respectivement lundi et mardi -, les généraux ont profité de la nuit de mardi à mercredi pour annoncer par haut-parleur un couvre-feu entre 21H00 à 05H00 locales (14H30 à 22H30 GMT).

La première ville de Birmanie a aussi été placée sous un régime d'accès restreint, un statut spécial ressemblant à l'état d'urgence. Mandalay, deuxième ville du pays située dans le centre, a fait l'objet des mêmes restrictions.
Plus tard dans la nuit, deux personnalités soutenant le mouvement de protestation, Zaganar, le plus célèbre des comiques birmans, et Win Naing, un homme politique modéré ont été arrêtés. Ces deux personnalités avaient été vues ces derniers jours à Rangoun en train d'offrir de la nourriture et de l'eau aux moines qui défilaient. Le mouvement de protestation avait été lancé le 19 août par des opposants après une augmentation massive des prix.

A la une........................Yangon  (AFP)  27/09/2007

Les forces de sécurité birmanes sont une nouvelle fois entrées en action jeudi à Rangoun où neuf personnes, dont un journaliste japonais, ont été tuées et des centaines d'autres arrêtées, alors que la junte tentait, non sans mal, de briser un mouvement de protestation.Au moins 50.000 personnes, en majorité des jeunes et des étudiants, ont encore bravé jeudi une interdiction de manifester contre la junte, selon des estimations citées par des témoins. Le bilan de neuf morts a été donné en fin de journée par la télévision nationale, contrôlée par les généraux."Les protestataires ont lancé des briques, des bâtons et des couteaux en direction des forces de sécurité" qui "n'ont eu d'autre choix que de procéder à des tirs de sommation", a affirmé la chaîne officielle.Kenji Nagai, un vidéo-reporter de 50 ans travaillant pour l'agence APF basé à Tokyo, est le premier étranger tué depuis le début des violences à Rangoun. Une source hospitalière birmane a indiqué qu'il aurait succombé à des blessures par balle.
L'organisation Reporters sans frontières (RSF) s'est dite "horrifiée".La Chine, proche alliée de la Birmanie, a appelé le régime militaire et les manifestants à faire preuve de "modération", tout en s'abstenant de condamner la répression.

 Les Etats-Unis ont, de leur côté, exigé que la junte birmane mette fin immédiatement aux "violences contre les manifestants pacifiques" et ont de nouveau appelé la communauté internationale à renforcer la pression sur les militaires au pouvoir.
Malgré l'interdiction de tout rassemblement, des milliers de manifestants ont convergé jeudi vers le centre de Rangoun où ils se sont retrouvés face à des policiers anti-émeute et des soldats armés.Les protestataires ont lancé des slogans liés au héros de l'indépendance, le général Aung San, père de l'opposante Aung San Suu Kyi, maintenue en isolement dans sa résidence depuis 2003."Le général Aung San n'aurait jamais ordonné à l'armée de tuer des gens", criaient-ils, en référence aux victimes de la veille. Ils ont finalement été dispersés après des tirs de sommation et un ultimatum particulièrement ferme.Au moins cent personnes ont été arrêtées sur place et forcées de monter à bord de camions militaires, alors que d'autres manifestants s'enfuyaient dans les rues adjacentes en courant.

La télévision nationale a accusé la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de Mme Suu Kyi d'avoir fomenté des troubles en payant des personnes pour qu'elles participent aux manifestations.
Elle a indiqué que deux membres de la LND, Hla Pe et Myint Thei, avaient été interrogés, ainsi que deux responsables de partis ethniques, Htaung Ko Htan et Chin Sian Thang, pour leur rôle dans le "soulèvement".D'autres tirs de sommation se sont produits à l'est de Rangoun où des groupes de protestataires étaient descendus dans la rue, selon des témoins.
Des échauffourées ont éclaté dans au moins trois endroits distincts alors que les forces de l'ordre tentaient d'appréhender des moines pour les placer par la contrainte dans des camions. Les religieux ont reçu le soutien d'habitants qui ont tenté de s'interposer.
De nombreux bonzes ont, par ailleurs, été interpellés dans leurs monastères et conduits, par camions, en dehors de la ville, vers une destination inconnue, dans le but évident de les empêcher de participer aux défilés. Des témoins ont relaté avoir vu au moins six camions chargés de moines. Au total, jeudi, les manifestations et les violences ont duré six heures. Une centaine de bonzes avaient déjà été arrêtés dans la nuit de mercredi à jeudi par les forces de sécurité qui avaient lancé un raid contre un monastère de l'est de Rangoun, selon des témoins. Certains moines ont été "battus sévèrement", ont indiqué des sources diplomatiques britanniques.

A la une..............................Yangon  (AFP)   28/09/2007

La junte militaire birmane a continué vendredi d'étouffer un mouvement de protestation populaire en dispersant par la force de nouvelles manifestations et en coupant la principale liaison à l'internet. Depuis mercredi, au moins treize personnes, dont un vidéo-journaliste japonais, ont été tuées, selon des sources officielles. Mais le Premier ministre britannique a estimé vendredi que le nombre de tués est "bien plus important" que le bilan officiel.
Malgré deux jours de répression de la part des autorités, plusieurs milliers de personnes sont encore descendues dans les rues de Rangoun, la plus grande ville de Birmanie. Comme mercredi et jeudi, elles ont fait face à des charges policières et à des tirs de sommation. La junte militaire a nié cette mobilisation. Les médias officiels ont comptabilisé vendredi 120 manifestants.
Les nouvelles violences se sont produites notamment près de la pagode Sule, dans le centre-ville où la plupart des commerces étaient fermés. Selon des témoins, les forces de sécurité ont donné l'ordre par haut-parleur à quelque 10.000 protestataires, en majorité des jeunes, de quitter les lieux avant de les chasser à coups de matraque. Elles ont aussi tiré en l'air. La principale liaison internet en Birmanie a brutalement arrêté de fonctionner vendredi, officiellement à cause d'un "câble sous-marin endommagé".
Mais selon une source occidentale fiable à Rangoun, la coupure aurait été ordonnée par la junte qui cherche à empêcher la diffusion, hors de Birmanie, d'informations, de photos et de vidéos sur la répression en cours. L'organisation Reporters sans frontières (RSF) a estimé que le régime tentait "d'imposer un huis clos".
Des moines bouddhistes, qui avaient été le fer de lance de la contestation avant d'être interpellés par centaines ces derniers jours, étaient rares vendredi dans les rues de Rangoun, quadrillées depuis le matin par la police. "Les moines ont accompli leur tâche et, désormais, nous devons poursuivre le mouvement", affirmait un leader étudiant. Des témoins ont indiqué que quatre bonzes avaient encore été arrêtés dans un raid contre un monastère dans la banlieue de Rangoun.
Cette répression aurait provoqué des "actes d'insubordination" au sein de l'armée, selon des sources diplomatiques. "Nous avons entendu que certains militaires auraient refusé d'obéir à des ordres et que d'autres se seraient même rangés du côté des manifestants", a dit un diplomate. Des milliers de jeunes ont aussi manifesté sur des deux-roues vendredi à Mandalay, la deuxième ville de Birmanie. Ils ont été dispersés par des soldats du régime. Des témoins encore choqués ont, par ailleurs, raconté vendredi comment des soldats birmans avaient tué la veille huit manifestants, en ouvrant le feu à l'arme automatique, dans une foule de plusieurs milliers de personnes qui protestaient contre une attaque menée contre un monastère."Des gens ont commencé à lancer des pierres en direction des soldats", a déclaré à l'AFP un témoin. Pendant une trentaine de minutes, la foule a conspué les militaires qui ont semblé, à un moment, céder à la panique et ont commencé à tirer à l'arme automatique. Le vidéo-reporter japonais a été tué dans un autre quartier. Une télévision japonaise, Fuji TV, a affirmé images à l'appui vendredi que le reporter avait été abattu délibérément et à bout portant, d'une balle dans le cœur, par un soldat.
Les pressions internationales se sont poursuivies vendredi avec notamment un appel conjoint du président américain George W. Bush et le Premier ministre britannique Gordon Brown à la junte pour qu'elle cesse de réprimer par la force les manifestations.
Mais la Russie, qui comme la Chine, dispose d'un droit de veto au Conseil de sécurité de l'ONU, a jugé vendredi "prématuré" de parler de sanctions contre la Birmanie, par la voix de son président Vladimir Poutine. L'émissaire de l'ONU pour la Birmanie, Ibrahim Gambari, est pour sa part attendu samedi en Birmanie. La Maison Blanche a pressé la junte birmane de lui permettre de rencontrer qui il voudra en Birmanie, y compris l'icône de l'opposition et Prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi. Une session extraordinaire du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies doit se tenir mardi prochain à Genève.

 

 

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